La solidarité au cœur de la réflexivité dans les pratiques d’intervention : enjeux éthiques et politiques
Année : 2017
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
DIERCKX Carine (Belgique) – dierckx.carine@gmail.com
Résumé :
La solidarité au cœur de la réflexivité dans les pratiques d’intervention : enjeux éthiques et politique
Comment la réflexivité mise en œuvre par les acteurs de l’intervention sociale peut-elle être porteuse de solidarité ? Quelle est la portée à la fois cognitive, éthique et pratique de ce travail, à quelles conditions est-il émancipateur ?
Ces questions prennent un sens particulier aujourd’hui, dans un contexte marqué d’une part, par des transformations importantes dans les relations sociales et dans les liens de solidarité formelle ou informelle (Bec, 2007 ; Paugam, 2011) et d’autre part, par une forte mobilisation des sujets, en particulier dans les pratiques d’intervention sociale (Cantelli & Genard, 2007 ; Franssen, 2003). Et ce, dans le cadre de politiques publiques devenues incitatives et évaluatives, responsabilisantes des individus (Soulet, 2005), faisant appel à leurs capacités et à leur participation « réflexives » selon des formes variables, non exemptes d’effets de fragmentation et de domination (Beck & al, 1994 ; Demailly, 2008 ; Bellot &al, 2013 ; Chouinard et Caron, 2015).
Elles sont traitées ici à partir d’un angle spécifique, celui des intervenants sociaux en contexte québécois, dans le cadre d’une enquête d’inspiration pragmatiste et foucaldienne (Dierckx, 2017). Celle-ci s’appuie sur des écrits publiés par des intervenants sociaux ou des chercheurs proches des acteurs : il s’agit de partir de ce qui se questionne et se travaille sur le terrain, et qui s’exprime publiquement concernant les insuffisances actuelles dans les pratiques.
L’objectif de cette contribution est d’identifier la manière dont les enjeux de solidarité se font jour au cœur même du « travail » de la réflexivité et ce qu’ils impliquent pour les sujets agissants, engageant l’éthique sur le terrain politique. Une question-clef qui se dégage est en effet celle du rapport à soi et à l’autre dans ce travail réflexif : comment recomposer des solidarités sans ramener l’autre à soi, à un « nous » auquel il n’adhère pas de lui-même, qu’il ne contribue pas à constituer ? Cette question s’adresse également aux chercheurs dans leurs relations aux acteurs. Elle implique de s’interroger sur les liens entre réflexivité, solidarité et émancipation, face aux risques de renforcer ou de produire des nouvelles formes d’exclusion, d’enfermement ou de domination dans les recompositions solidaires.
Je me réfère ici à quelques points-clefs de la conceptualisation foucaldienne, qui mettent en évidence les enjeux de pouvoirs dans les usages du sujet et de la réflexivité, et qui posent la question du « nous » dans la problématisation de pratiques spécifiques (Foucault, 1994b, 1994c ; Gros, 2002 ; Potte-Bonneville, 2004 ; Remaud, 2003). Une telle grille, inscrite dans une perspective pragmatiste plus large, me sert à repérer, dans les écrits, la manière dont les « auteurs-acteurs » du social s’ouvrent à autrui et à sa parole, à certaines formes de solidarité et d’action en commun dans leur propre réflexion, et contribuent à leur manière à façonner « une communauté de destin élargie » (Maesschalck, 2006, p.282). Et cela, tant dans leur questionnement à propos des insuffisances rencontrées dans leurs pratiques, que dans le type de réflexivité qu’ils y mettent en œuvre, et dans le processus d’écriture utilisé. $
J’analyse ici sur cette base un exemple particulièrement significatif : un article publié par une travailleuse sociale en clinique jeunesse. Il montre la portée « solidaire » de certaines formes de réflexivité, articulant éthique et politique dans un raisonnement rigoureux, en prise sur le réel et sur des perspectives d’action.
Enfin, je tente de dégager ce qu’implique un tel processus réflexif pour être émancipateur, en pointant les enjeux d’une transformation des subjectivités et d’un travail sur les relations de pouvoirs et de savoirs, impliquant aussi de nouvelles articulations « solidaires » entre recherche, pratiques et politiques.
Mots clés :
Solidarité, Intervention sociale et travail social, Enjeux, réflexivité
éthique et politique
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