Impact du travail précaire et de la non-citoyenneté sur l'immigration et la migration des nouveaux arrivants au Nouveau-Brunswick
Année : 2017
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
THERIAULT Luc (Canada) – luct@unb.ca
HOLTMANN Cathy (Canada) – cathy.holtmann@unb.ca
Résumé :
Impact du travail précaire et de la non-citoyenneté sur l'immigration et la migration des nouveaux arrivants au Nouveau-Brunswick
RÉSUMÉ
En se fondant sur les résultats de l’analyse qualitative de données recueillies chez 52 immigrantes au Nouveau-Brunswick, cet article décrit les recoupements entre leur expérience de travail et de non-citoyenneté précaires et les facteurs uniques au contexte provincial. La précarité qu’ont vécue ces femmes dans ce contexte aide à expliquer le départ d’immigrants. Bien qu’elles exercent des professions peu spécialisées, les femmes qui arrivent au Nouveau-Brunswick munies de permis de travail temporaires sont plus satisfaites des conditions précaires particulières qu’elles y trouvent que celles qui ont un plus grand niveau de scolarité ou une plus grande expérience dans des emplois spécialisés. Cet écart est causé en grande partie par la segmentation du marché du travail et le manque de citoyenneté sociale dans la province. Toutes les immigrantes ont indiqué avoir vécu de l’anxiété et du stress en rapport à la précarité de leur cheminement vers la citoyenneté à part entière. Bien qu’elles soient initialement attirées par la stratégie de croissance démographique du gouvernement provincial, les recoupements particuliers entre le travail et la non-citoyenneté précaires les poussent à migrer ailleurs au Canada en quête d’une plus grande sécurité financière et sociale.
Fondements Théoriques
Le travail précaire consiste en des emplois qui n’ont peu ou pas de sécurité à long terme comme le travail à temps partiel, le contrat à durée limitée et le travail par quarts qui, par exemple, caractérisent une grande partie du travail dans les industries de services. Une grande partie de ce travail consiste en des emplois à faible salaire qui exigent de faibles niveaux d'éducation et de compétences. Cependant, il existe des secteurs professionnels dans lesquels les emplois qui exigent des niveaux élevés d'éducation et d'expertise sont de plus en plus liés à des contrats à durée limitée avec peu d'avantages et sans sécurité à long terme. La prolifération de l'emploi précaire et du travail instable offre des droits et des avantages limités et est symptomatique d'un changement global de la nature même du travail (Goldring et Landolt, 2011: 326).
L'emploi précaire est aussi un emploi sexué. Selon Vosko (2000), la fin de la «relation de travail standardisée» de la deuxième guerre mondiale (emplois sûrs, à temps plein et avec avantages sociaux) a commencé dans les années 70 et s'est accompagné de la montée de la «relation de travail précaire». Ces changements dans les relations de travail reflètent la «féminisation» du travail. Selon Vosko, le travail féminisé a ses racines historiques dans les relations de travail temporaires développées pour les femmes de classe moyenne blanche dans les nations du Nord après la Seconde Guerre mondiale. Les hommes de la bourgeoisie blanche étaient considérés comme les principaux prestataires économiques et les femmes travaillaient à temps partiel pour compléter le revenu de leurs maris. Les pauvres, les immigrantes, les minorités visibles et les femmes autochtones ont toujours eu un accès limité aux «relations de travail standard» dont jouissent les hommes blancs nés au pays. Vosko soutient que les femmes blanches n'ont pas simplement accédé au marché du travail canadien en plus grand nombre, mais les relations de travail féminisées caractérisées par leur caractère temporaire et instable, deviennent la norme pour un nombre croissant de travailleurs. Les femmes immigrantes, les minorités visibles et les femmes autochtones sont les principales victimes de la ségrégation sexuelle et donc de la polarisation des revenus et des professions sur le marché du travail canadien (Creese et al., 2008).
Selon Oxfam, la recherche sur l'emploi précaire dans douze pays montre que les femmes sont surreprésentées dans les industries à forte intensité de main-d'œuvre et dans les emplois les plus précaires (Kidder et Raworth, 2004). Les employeurs du monde entier continuent de s'accrocher aux mythes selon lesquels les femmes sont mieux adaptées au travail qui exige une dextérité manuelle et une concentration sur les tâches répétitives pendant de longues périodes. Néanmoins, les femmes valorisent le travail précaire alors qu'elles luttent pour payer les coûts croissants de l'éducation et des soins de santé pour leurs familles, même si le travail est instable, stressant et comprend des expériences de subordination et de harcèlement. Beaucoup de femmes se sentent poussées à quitter leur pays d'origine pour subvenir aux besoins de leur famille. À l'échelle mondiale, le nombre de migrants internationaux a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années, avec près de 60% vivant dans les pays du Nord (ONU, 2012).
Au Canada, la croissance de l'emploi précaire sur l'ensemble du marché du travail s'accompagne de conditions précaires de citoyenneté pour les immigrants (Goldring et Landolt, 2011). La citoyenneté précaire est le chemin incertain de la citoyenneté pour les immigrants dont les droits et les droits formels sont limités et conditionnels. La citoyenneté précaire décrit le statut des travailleurs étrangers temporaires (TET), des étudiants étrangers et des réfugiés au Canada. Le statut de citoyenneté de ces immigrants est légalement précaire jusqu'à ce qu'ils obtiennent la résidence permanente par l'État. Cependant, d'autres aspects importants de la citoyenneté doivent être pris en considération. Nagel et Staehli (2004) font la distinction entre la citoyenneté légale et la citoyenneté substantielle, soutenant que la citoyenneté substantielle implique la capacité d'exercer les droits et les privilèges de l'appartenance à la société. Torres et al (2013) décrivent en outre la citoyenneté sociale comme un élément essentiel de la citoyenneté relationnel dans lequel les membres des groupes d'immigrants sont capables de s'engager économiquement, politiquement et socialement avec les individus et les institutions de la nouvelle société. La citoyenneté relationnelle exige la participation de toutes les personnes dans une société, quel que soit leur pays de naissance. La précarité de la citoyenneté est liée à l'augmentation des conditions précaires d'emploi au Canada, les gouvernements provinciaux et les employeurs tentant d'attirer les immigrants pour faire face aux pénuries du marché du travail et au déclin de la population (Li, 2003). Sans citoyenneté légale, les immigrants se voient refuser l'accès à certains types d'emploi, à la sécurité de l'emploi, à la protection du travail, aux possibilités d'éducation et aux services publics. Sans la citoyenneté sociale, les immigrants sont entravés dans la création du capital social nécessaire pour obtenir des emplois proportionnels à leur éducation et à leur expérience, à s'organiser politiquement ou à s'engager de façon significative dans les sociétés dans lesquelles ils/elles vivent et à construire un avenir pour leurs familles (Kazemipur , 2004).
Les particularités du travail précaire et de la citoyenneté précaire varient selon les contextes nationaux et régionaux. Le Nouveau-Brunswick fait partie de la prolifération mondiale de l'emploi précaire. Les conditions de travail précaire dans la province attirent certaines femmes immigrantes, mais la précarité de la citoyenneté et le manque de citoyenneté sociale dans la province du Nouveau-Brunswick comptent parmi les défis de la province pour conserver tous les immigrants à long terme.
Données et méthodes
Les données sur lesquelles repose cet article proviennent de deux études qualitatives: la première étude (E1) est une étude menée en 2012 auprès des femmes immigrantes nouvellement arrivées au Nouveau-Brunswick et leurs réseaux de soutien social (N = 79) et la seconde (E2 ) Est une étude réalisée au début de 2014 auprès de femmes immigrantes qui avaient auparavant immigré au Nouveau-Brunswick mais qui avaient déménagé ailleurs au Canada (N = 9). L'approbation des deux études a été obtenue auprès du Conseil d'éthique de la recherche de l'Université du Nouveau-Brunswick. Les participants à la deuxième étude ont été recrutés en utilisant les contacts établis lors de la première étude. Les données ont été recueillies au moyen d'entrevues personnelles semi-structurées et de groupes de discussion. Certaines des entrevues ont été menées avec l'aide d'un traducteur. Les entretiens personnels avec les femmes qui avaient quitté la province ont eu lieu par téléphone. Les entretiens et les groupes de discussion ont été enregistrés numériquement (avec permission) ou par des notes manuscrites. Les transcriptions des données ont supprimé la plupart des identifiants personnels, à l'exception des pays d'origine des participants.
Les données des transcriptions ont été codifiées dans les catégories de travail précaire et de citoyenneté précaire. Ces catégories ont été analysées de trois façons, D'abord, nous avons comparé la précarité des femmes immigrantes qui sont venues au Nouveau-Brunswick via le PNP avec celles qui étaient des TET. Deuxièmement celles qui sont venus au Nouveau-Brunswick pour des raisons liées à l'éducation ont été comparées à celles qui étaient venus principalement pour un emploi. Troisièmement, nous avons comparé celles qui vivaient dans la province au moment de l'entrevue avec celles qui étaient parties et qui vivaient ailleurs au Canada. Les comparaisons ont été faites de cette façon afin d'identifier les tendances des impacts de l'emploi précaire et de la citoyenneté précaire en fonction des intentions des participantes à la recherche en matière d'immigration (personnelle), de leur catégorie d'immigration (structurelle) et de leur appartenance ou non La province du Nouveau-Brunswick au moment de la collecte des données.
Mots clés :
Citoyenneté, Femmes, Insertion, Immigration
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