Empowerment en travail social et sens de la solidarité
Année : 2017
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Bourbonnais Mathieu (Canada) – bourbonnais.mathieu.2@courrier.uqam.ca
PARAZELLI Michel (Canada) – parazelli.michel@uqam.ca
Résumé :
En travail social, la solidarité est souvent associée à l'empowerment, entendu comme une pratique d'appropriation du pouvoir des destinataire de l’intervention sur leur vie. La force mobilisatrice du groupe, à travers l'expérience de liens sociaux significatifs de coopération, y jouerait un rôle essentiel. Toutefois l'empowerment pose problème parce qu'il fait l'objet d'un usage polysémique brouillant la compréhension du processus d'appropriation du pouvoir lui-même, mais aussi le sens de la vie collective pour lequel l’intervenant exprime sa solidarité. Il apparaissait donc nécessaire de voir comment différentes perspectives théoriques de l’empowerment induisaient des significations de la solidarité de par la poursuite de certaines finalités sociales.
Les auteurs qui ont abordé cette question (Damant et al., 2001; Cantelli, 2013; Bacqué et Biewener, 2013) l’ont surtout fait en analysant les positionnements idéologiques qui nous renseignent peu sur les logiques théoriques qui y sont à l'oeuvre, logiques qui nous permettraient de dégager des conceptions de l'appropriation du pouvoir en lien avec leur finalité. Nous avons donc mené une recherche documentaire (186 articles) en considérant la diversité conceptuelle de l'empowerment et avons dégagé six perspectives théoriques se réclamant de l'empowerment: la perspective de conscientisation (Freire, 1974; Calvès, 2009), féministe (Damant, 2001), de l'habilitation (Lord et McKillop-Farlow, 1990), environnementaliste (Ninacs, 1995; Le Bossé, 2012), des capabilités (Sen, 2000; Bonvin, 2005), et de responsabilisation (Hache, 2007; Denamiel, 2006). Chaque perspective a été analysée à partir de quatre dimensions: l’appropriation du pouvoir, les conditions requises de l’appropriation, le rôle de l’intervenant face aux destinataires de l’intervention et la finalité sociale poursuivie. Nous présenterons une analyse descriptive de chaque perspective, après quoi nous relèverons certains angles morts des perspectives recensées en lien avec leur finalité sociale.
Les résultats de cette analyse montrent une certaine économie du travail théorique à l'oeuvre au sein des six perspectives d'empowerment, celles-ci identifiant les éléments faisant obstacle à l'actualisation de l'appropriation du pouvoir: l'intériorisation des situations de domination (conscientisation), des rapports de domination genrés (féminisme), le sentiment stigmatisant d’inaptitude (habilitation), le sentiment d’impuissance à définir soi-même ses problèmes et ses pistes de solution (environnementalisme), l'absence de liberté de choix de ressources (capabilités), ou encore la dépendance socio-institutionnelle (responsabilisation). Ainsi, les perspectives d'empowerment ont toutes comme objectif d'amener l’individu à ajuster ses représentations de manière à rendre possible un agir par et pour lui-même, avec la solidarité d'autrui. Toutefois il est toujours postulé que l'individu porterait intrinsèquement le potentiel de changer sa situation déficitaire par la manifestation d'une action émancipatrice. Cette croyance semble prendre le pas sur l'analyse critique de ce qui se joue dans le désir d'autonomie sociale que l’on souhaite voir se développer chez les destinataires de l’intervention. La foi dans les capacités individuelles inhérentes aux perspectives d'empowerment tend à rendre caduc le questionnement sur le type de régime d'autonomie dans lequel nous vivons ainsi que sur la capacité des destinataires à s’approprier leurs actes en fonction de ce qu’ils désirent et non à partir des normes sociales dominantes intériorisées.
À partir des travaux de Mendel (1998) sur les rapports d’autorité et des réflexions de Castel (2012) sur le « régime d’autonomie-condition », nous soulèverons quelques questions quant au type de solidarité que les tenants des pratiques d’empowerment mettent en scène face à l’injonction intériorisée que l'individu peut vivre sous le mode de la soumission volontaire (autorité) ou involontaire (domination).
Mots clés :
Idéologie, Solidarité, Autonomie, Empowerment
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