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Pour des pratiques et des politiques sociales émancipatrices

Année : 2017

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

BOUCHAT Damien (Belgique) – damien.bouchat@henallux.be
Donnet Nathalie (Belgique) – nathalie.donnet@henallux.be

Résumé :

Les logiques économiques et de gestion s’immiscent dans le champ du travail social, poussant les acteurs à développer des stratégies d’adaptation, de résistance, de contestation et de changement. Comment, en s’appuyant sur les initiatives qui proposent une alternative, promouvoir des politiques sociales émancipatrices ?
1.Les logiques qui gagnent le champ de l’intervention sociale
L’individu se voit enjoint de se produire lui-même (Ehrenberg, 1998). Un « individu-trajectoire », à la conquête de son identité personnelle et de sa réussite sociale, est sommé de se dépasser dans une aventure entrepreneuriale. De Gaulejac (2008) parle de procès de personnalisation. L’échec conduit à une blessure narcissique et à ce qu’il nomme la désinsertion sociale.
Les logiques économiques et de gestion structurent les relations sociales de notre société et envahissent le champ social par la domination de la responsabilité individuelle sur la responsabilité collective. Les crises sociales sont assimilées à des crises individuelles (Foucart, 2005). Dès lors que les services sociaux ne peuvent agir sur les conditions sociales, ils se focalisent sur l’état psychique de l’individu en mettant en œuvre des processus d’activation qui s’appuient sur des contrats sibyllins.
Des institutions sociales sont prises dans une contradiction qui consiste à affirmer la nécessité de la part des bénéficiaires d’être acteurs, citoyens, autonomes tout en ayant des modalités concrètes de fonctionnement qui sont objectivantes, normatives, bureaucratiques et favorisent la désinsertion sur les plans relationnel et symbolique. Les contraintes de gestion (ce qui semble faisable) l’emportent sur les attentes des usagers. L’individu devient objet de procédure.
2.Les acteurs et le système
Pour des ayant-droit, entrer dans une institution d’aide sociale est souvent vécu comme culpabilisant, stigmatisant et disqualifiant socialement. Pour exister en tant que sujet, ils peuvent choisir d’agir en dehors du système, de renoncer à leurs droits, au risque de perdre pied. Pour résoudre cette contradiction existentielle, mieux vaut parfois être sujet de désinsertion que de s’insérer en perdant sa dignité.
Les travailleurs sociaux et leurs organisations, adoptent, différents modes de gestion identitaire (Franssen, 2005). Certains se replient sur une définition minimale de leur rôle, une protection bureaucratique, un désinvestissement (mode de gestion anomique). D’autres adoptent un mode de gestion défensif : ils ne remettent pas en question le contexte, … D’autres enfin adoptent un mode de gestion offensif qui peut recouvrir différentes modalités : l’adaptation centrée sur une logique de professionnalisation; la logique revendicative axée sur la reconnaissance et l’obtention de moyens ; la révolte axée sur la remise en question des rapports sociaux et la lutte solidaire avec les exclus ou encore l’innovation qui consiste à agir sur les finalités en créant une alternative.
3.Pour des politiques sociales émancipatrices
Des espaces d’autonomie se créent, en dehors de la normalisation, de la standardisation, de la quantification pour des conduites non-conformes à l’injonction de l’aventure entrepreneuriale. Au sein de ces espaces d’échange souples, chaleureux, inscrits dans la durée, qui prennent en compte plus qu’ils ne prennent en charge, des ayant-droit peuvent se sentir reconnu dans leur potentiel d’autonomie et se reconstruire. Des «passeurs » (Jamoul, 2002) contribuent à tisser du lien et de la ré-affiliation. Partant du constat que la norme elle-même est le résultat d’un processus social qui produit de l’exclusion, des actions sociopolitiques dénoncent les contradictions du système, qu’elles soient institutionnelles ou identitaires, et proposent d’autres modes d’intervention et d’autres politiques sociales. Ceux-ci auraient tout avantage à se fonder sur la mise en réseau des ressources des ayant-droit et des travailleurs sociaux plutôt que de chercher à pallier des déficits.

Mots clés :

Etat social, Intervention sociale et travail social, Politique sociale

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