LYET Philippe (France) – philippe.lyet@askoria.eu

Le travail social fait débat (Ion, 2005), il est traversé de paradoxes et est construit par eux (Autes, 1999). Il est difficile à saisir, orienté progressivement par des logiques différenciées dont l’origine se trouve dans des phénomènes divers mais convergents : l’accumulation d’institutions et de professions diverses (Molina, 2015) et plus récemment de dispositifs (Ion, Ravon, 2005) et de partenariats qui sont autant d’institutions incertaines (Lyet, 2008) ; et la sédimentation au fil du temps de références et d’orientations plurielles, soit par l’arrivée de nouveaux acteurs porteurs de logiques exogènes, soit par l’importation de nouvelles références dans le secteur d’action, comme le principe libéral qui remet en cause l’Etat social à partir des années 80, par exemple à l’occasion de la rénovation d’une loi ou de la mise en place de la nouvelle gestion publique (Bellot, Bresson, Jeté, 2013).
Pour les intervenants, leurs responsables et les « usagers » de ce secteur d’action publique, cette complexité et l’incertitude que cela occasionne sont un défi quotidien dont j’ai pris conscience lors de mes divers travaux de recherche successifs conduits conjointement avec des représentants de ces acteurs. Ces travaux m’ont en effet conduit à repérer que les différents acteurs développant une pratique en rapport avec les questions traitées par ces recherches se situaient dans des références multiples et parfois peu compatibles.
L’exercice des métiers du travail social participe ainsi de la pluralisation du monde, un phénomène qui s’est amplifié depuis quelques décennies. Conduite par des individus pluriels dans des institutions ou des dispositifs caractérisés par leur hétérogénéité interne, l’exercice de ces métiers est caractéristique de la société hybride et incertaine contemporaine et fait du travail social un espace d’action pluriréférencé.
La pratique de la solidarité consiste pour ses acteurs à transiger entre des logiques d’action diverses mais toutes légitimes et à les hybrider. Ces derniers construisent une professionnalité subtile, entre hétéronomie et autonomie, faite d’épreuves et de doutes comme conditions de l’exercice professionnel. Cette évolution transforme et recompose la question de la solidarité qui se traduit de moins en moins par des professionnalités évidentes et de plus en plus comme une série de bricolages précaires, résultante de délibérations et de compromis.
Cette communication se donnera pour objectif de fonder théoriquement et empiriquement cette thèse en référence à plusieurs recherches auxquelles j’ai participé depuis 20 ans.

Solidarité, Politique publique, Intervention sociale et travail social