Que nous révèlent les parents sur les stratégies qu’ils déploient pour exercer leur pouvoir au sein de leur relation avec les intervenants sociaux dans le champ de la protection de la jeunesse?
Année : 2017
Thème : Résultats d’une étude qualitative menée auprès de vingt parents d’enfants suivis pour motif de négligence au Québec. Une invitation à revisiter les formes de solidarités Parents-intervenants dans une visée de transformation et de renouvèlement continu des pratiques sociales dans le champ de la protection de la jeunesse
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
LEMAY Louise (Canada) – louise.lemay@usherbrooke.ca
Résumé :
La relation Parent-Intervenant dans le champ de la protection de la jeunesse fait l’objet d’un bon nombre d’écrits depuis quelques décennies. Certains rendent compte de la perspective de ces acteurs et examinent plus spécifiquement la distribution du pouvoir entre eux au sein de cette relation (Bundy-Fazioli et al., 2009; Bundy-Fazioli, 2005; Lemay et al. (2015). Notre présentation s’inscrit en ce sens. Elle rend compte d’une étude portant sur les stratégies déployées par les parents pour exercer leur pouvoir au sein de leur rapport avec l’intervenant social. La réflexion ouvre sur les enjeux, obstacles et défis pour la construction de solidarités entre parents et intervenants permettant d’agir de concert pour assurer la sécurité, le développement et le bien-être de leur enfant.
Les résultats présentés sont issus d’une recherche qualitative plus large portant sur « l’analyse des rapports de pouvoir entre les intervenants et les parents au sein des pratiques axées sur le développement du pouvoir d’agir (empowerment) des parents d’enfants en situation de négligence dans le contexte de la protection de la jeunesse » .
Le concept de pouvoir puise à la théorie de la structuration de Giddens (1994). Il renvoie à l’action, à la capacité des personnes de créer une différence dans le monde qui les entoure. Or, cette capacité est aussi fonction des ressources, droits et obligations des acteurs dans un contexte donné. Les relations entre acteurs sont comprises comme des rapports sociaux multiformes et dynamiques, situés en contexte et structurés par les pouvoirs en jeu (individuels et collectifs) sans pour autant être déterminés. Le cadre utilisé pour l’analyse du pouvoir prend en compte cinq grandes dimensions : les actions déployées par les acteurs, les raisons formulées pour les expliquer, les conditions du contexte, les conséquences de l’action et les attributions causales pour expliquer les résultats de leur action. Quant au concept d’empowerment, nous référons à l’approche centrée sur le développement du pouvoir d’agir (DPA) des personnes et des collectivités, mise de l’avant par Le Bossé (2013).
Quatre équipes d’intervention oeuvrant au sein de deux centres jeunesse au Québec (Montréal et Sherbrooke) ont été sélectionnées, en raison de leur adhésion à cette approche. La recherche a permis d’explorer la perspective de parents (n=20), d’intervenants (n=20) et d’autres professionnels (gestionnaires, consultants) qui encadrent leur pratique (n=8).
Nous avons déjà exposé les stratégies utilisées par les professionnels pour favoriser l’empowerment des parents au moment clé de la prise de contact (Lemay et al. (2015). La centration porte ici sur le point de vue des parents (14 mères et 6 pères). Plus spécifiquement, les résultats de l’étude montrent toute la panoplie des stratégies déployées au sein de leur rapport avec l’intervenant social. Mutisme, confrontation, menace, négociation ou collaboration, sont autant de formes pour tenter d’exercer leur pouvoir au sein de ce rapport complexe situé en contexte d’aide contrainte. Malgré la prolifération d’écrits sur la collaboration Parent-intervenant ou la « participation parentale » dans le contexte de la protection de la jeunesse, cette étude se démarque par sa centration sur les formes de micropouvoirs exercées par les parents ainsi que sur le rationnel qu’ils invoquent pour expliquer le choix de leurs stratégies. La présentation de tels savoirs expérientiels invite à revisiter ces rapports sociaux et les formes de solidarités à construire dans une visée de transformation et de renouvèlement continu des pratiques sociales dans le champ de la protection de la jeunesse.
Mots clés :
Intervention sociale et travail social, Protection sociale, Usager, relation parent-intervenant
protection de la jeunesse
rapports de pouvoir
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