La solidarité africaine à l’épreuve

Année : 2017

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

OUEDRAOGO Aicha-Nadège (France) – aichcel@yahoo.fr

Résumé :

A partir de deux expériences de terrains différents, je me propose de réfléchir aux mécanismes d’émergence et de contextualisation des solidarités au sein de groupes d’individus, dont l’une vécue, au cours de ma recherche doctorale au Burkina Faso, avec des femmes atteintes de la fistule obstétricale, reçues lors d’une campagne de chirurgie réparatrice dans un centre médical et l’autre, dans le cadre d’une intervention sociale auprès d’immigrés africains recueillis par l’ONG Cepaim (structure d’accompagnement et d’insertion communautaire en Espagne).
La solidarité familiale autour des personnes malades a été maintes fois étudiée, surtout dans les cas de maladie grave et/ou chronique, (Desclaux, 2003 ; Zerbo et al., 2004). Les sociétés africaines traditionnelles ont souvent été reconnues pour leur solidarité communautaire, voire leur collectivisme, considéré comme une forme de « socialisme naturel » (Sow et Desclaux, 2002). Bien que souvent plus expressives au niveau macro-social que micro social où peuvent exister des cas de refus, d'auto-exclusion ou d'exclusion (Sow et Desclaux, 2002), de manière générale la solidarité tend à réapparaître lorsque les individus ayant une même appartenance sociale se retrouvent dans un milieu autre que le leur. Néanmoins cette solidarité semble contextuelle, même dans les cas de vulnérabilités, cadre dans lequel elle s’exprime le plus souvent.
En effet, les contextes de vulnérabilité sont ceux qui stimulent le plus la solidarité. Les gens qui ont vécu des expériences similaires transcendent leurs différences, se soutiennent et vivent plus facilement ensemble, lorsqu’ils sont dans une situation de fragilité relevant du domaine médical. En revanche, même ayant plus de traits communs que de différences, les individus ont du mal à se montrer solidaires, lorsqu’ils se retrouvent dans un environnement où sont en jeu le pécuniaire et l’estime de soi. C’est ce qui ressort de mon expérience auprès de femmes victimes de la fistule obstétricale, et avec des immigrés subsahariens entrées de manière irrégulière en Espagne.
Habituellement dans le retrait ou l’auto-exclusion pour éviter de subir des brimades et autres actes de marginalisation, les femmes porteuses de fistule obstétricale ont ce comportement en commun : celui d’éviter les rassemblements avec des personnes extérieures sauf lorsqu’elles y sont contraintes. Cependant, accueillies par l’association Arfod et hébergées pendant plusieurs semaines au sein d’un hôpital, de l’hostilité et du retrait au départ, elles ont finit par raviver une forme de solidarité familiale qu’elles ont maintenu entre patientes et accompagnateurs (trices) tout au long du séjour et même au delà.
A contrario, dans le groupe d’immigrés, bien qu’ils aient, pour bon nombre, traversé bien de difficultés ensemble, ils avaient plutôt une grande tendance à l’individualisme. La plupart avait abandonné un travail pour partir à la recherche de meilleures conditions de vie, souvent pour suivre des amis qui avaient décidé de partir, et d’autres pour ressembler à des connaissances à qui l’émigration avait réussie, et comptaient continuer seul leur chemin.
A partir d’une méthodologie basée sur l’observation et l’entretien, cette communication propose une analyse comparée entre deux cadres d’émergences de solidarités où l’expérience commune vécue crée d’une part, un élan de solidarité qui se maintient par des liens tissés par la maladie, et d’autre part, la dissolution progressive des bribes construits à travers la trajectoire migratoire.
Après avoir mis en exergue quelques éléments de description des deux contextes évoqués, nous verrons comment les dispositifs de solidarités mis en place au sein des deux groupes fonctionnent en termes d’adhésion de la population concernée et les mécanismes qui sous-tendent leurs continuités et leurs limites.

Mots clés :

Solidarité, Santé, Cohésion sociale, Reconnaissance, Fistule Obstétricale

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