L’EXPÉRIENCE D’UNE IMPROBABLE RESTAURATION DE LA SOLIDARITÉ

Année : 2017

Thème : Atelier d’Expression Citoyenne, Groupe Solidaire d’Expression Citoyenne - Etude de 10 ans d’intervention en détention, prolongations et naissance d’un concept : l’intervention sociale par le fait.

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

Tolley Cedric (Belgique) – c.tolley@laicite.be
KOLCHORY Pascale (Belgique) – p.kolchory@laicite.be

Résumé :

Nombres d’études l’ont déjà démontré ce nous constatons en prison : l’idéologie carcérale et la prison retirent à ceux qui y résident, sous l’invocation d’impératifs sécuritaires, toute possibilité de l’exercice des droits citoyens.
C’est lorsque nous avons été confrontés à la vexation de ne pas être compris comme des alliés pour les détenus auprès desquelles nous menions des interventions sociales, que nous avons été éclairé sur un élément essentiel qui nous échappait et qui vouait à l’échec toute nos tentatives d’instiller de la solidarité dans les prisons. Lorsque les participants à nos ateliers nous signifiaient qu’ils nous identifiaient au monde carcéral, ils nous renvoyaient en fait à notre incapacité à nous départir de cette sorte de « distance professionnelle » que semblait nous imposer notre qualité d’intervenant sociaux.
Et c’est vexé que nous avons été contraint de porter un regard critique radical sur nos propres méthodes d’intervention sociale que des détenus avaient parfaitement identifiées comme relevant d’une logique proche des manières carcérale.
Notre expérience prend racine dans des ateliers menés dans les 5 prisons de la Région bruxelloise et de sa périphérie. Des ateliers d’écriture, radio, rap, théâtre, films, expression, droit de vote… ont été mené par 6 professionnels aux profils variés et qui ont continuellement réfléchi ensemble au sens de leurs actions et à leurs méthodes.
Ces interventions ont été menées dans le cadres d’associations du réseau péricarcéral bruxellois et ensuite à l’initiative de l’association Bruxelles Laïque dont les champs de compétences sont très étendus et non spécifique au monde carcérale, ce qui offre plus de possibilités de réfléchir une intervention qui ne soit pas contrainte par les spécificités carcérales.
Les questions posées par cette relativement longue expérience sont nombreuses. Elles concernent :
-L’opportunité d’intervenir en prison (être ou ne pas être un rouage de la machine).
-Les modalités du cadre d’intervention (comment protéger les participants des conséquences éventuelles de leur expression en groupe, de leur participation aux activités).
-Les stratégies de négociation avec les autorités pénitentiaires de notre entrée en détention et du maintien de nos activités (que nous avons nommé « stratégie d’étançonnement »).
-La déstructuration sociale de la puissance d’agir des personnes incarcérées.
-L’impossibilité faite aux détenus de jouir de droits naturel et citoyens pourtant garanti pour la loi.
-La répression et l’autocensure qui accompagne toute volonté de solidarité non seulement entre les détenus, mais aussi entre les détenus et d’autres personnes.
-La façon dont la souffrance carcérale abîme le rapport à soi qui permet de se penser en rapport aux autres.
Forts des réflexions, des analyses et des dispositions qui sont issue de ces questionnements et que nous avons menés avec le concours des détenus participants à nos ateliers, nous avons conçu des manières d’intervenir et un état d’être particulier que nous avons ensuite testé et reproduit, dans d’autres prisons, avec d’autres groupe et hors des prisons avec d’autres publics.
Après quelques années de test, nous sommes maintenant en mesure de faire part publiquement d’une méthodologie d’intervention qui tranche avec nos précédentes habitudes professionnelles et qui a montré des résultats que nous n’osions même pas espérer en matière de solidarité, d’une solidarité intelligente.
Parmi les éléments qui caractérisent cette méthode, pointons en particulier : la transparence à toutes les étapes, des rapports immédiats, francs, sincères et directs, une démarche horizontale et autoréflexive qui ne se fait pas d’illusion sur son incomplétude… Notre proposition est de raconter l’histoire qui nous a permis de poser un cadre d’intervention à ces principes, pour qu’ils ne restent pas à l’état de déclaration d’intention. Ce cadre que nous avons nommé « l’intervention sociale par le fait ».

Mots clés :

Solidarité, Méthodologie, Secteur social, Prison

← Retour à la liste des articles