CARON Jessie (Canada) – carj46@uqat.ca
CHOUINARD Isabelle (Canada) – isabelle.chouinard3@uqat.ca

Les nombreuses transformations survenues au cours des trente dernières années dans le monde du travail ont accentué le besoin pour les métiers relationnels à faire état de leurs contributions professionnelles spécifiques. Cet exercice pose des difficultés aux travailleurs sociaux (TS), en raison de l’importance de la dimension relationnelle dans la structuration de leur activité professionnelle. Étant un travail à composante hautement symbolique (Autès, 1998) et avec peu de formes concrètes (Soulet, 1997), la profession relève avant tout d’un travail sur l’humain ne possédant donc pas de nosologie précise (Villate, Teiger et Caroly-Flageul, 2006). Par-delà ces difficultés d’élucidation, il demeure que les professionnels racontent leur pratique. Malgré le sentiment de non reconnaissance (Pelchat, et al., 2005), le malaise identitaire fréquemment ressenti chez plusieurs (Franssen, 2000), et la difficulté remarquée spécifiquement chez les TS à décrire et à nommer concrètement leurs productions spécifiques et à les distinguer de celles des autres métiers relationnels (Chouinard, Couturier et Lenoir, 2009), les TS usent de discours pour légitimer leur action professionnelle. Or, puisque l’ensemble du discours possède une forte connotation normative (Caron et Chouinard, 2014), la spécificité de leur action professionnelle reste difficilement accessible, participant du coup au maintien du malaise identitaire. Puisque le discours renvoie à l’expression d’une pensée, d’un raisonnement, les mots utilisés dans une situation précise, par exemple pour décrire sa profession, ne sont pas anodins, car ils comportent toute une série de significations partagées par un groupe (Demazière et Dubar, 2004). C’est dans cette perspective que des chercheurs de l’Équipe de recherche et d’analyse des pratiques professionnelles (ERAPP) ont réalisé une étude ayant pour objectif de dégager les référents sur lesquels s’appuient des TS membres d’un comité régional de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) pour définir leur profession.

À quelle(s) logique(s) d’énonciation de leur pratique les TS membres d’un comité régional de l’OTSTCFQ recourent-ils? Adhèrent-ils à l’éthos du travail social, fondé sur un appareillage axiologique, ou encore privilégient-ils la démonstration d’un savoir-faire pratique spécifique au travail social ? Si ces principaux questionnements ont sous-tendu la présente étude, celle-ci s’est intéressée de manière plus spécifique à poursuivre cet objectif: dégager les conceptions du travail social chez les TS membres d’un comité régional de l’OTSTCFQ. Par voie électronique, un questionnaire a été distribué individuellement aux TS. Celui-ci comportait deux questions ouvertes visant, dans un premier temps, à obtenir les conceptions quant à la définition du travail social et, dans un second temps, à obtenir les conceptions de ses finalités. Trente-quatre TS ont participé à l’étude. Le traitement et l’analyse des données se sont appuyés sur la méthode de l’analyse structurale de discours (Ibid., 2004) qui permet de réduire de façon maîtrisée le discours de groupe d’acteurs afin de mettre en relief ses référents.
Il apparait que les TS interrogés inscrivent leurs conceptions du travail social dans les formes contemporaines d’aide à autrui dans les métiers relationnels. Ces logiques d’intervention entourant la notion d’aide renvoient à des transformations globales dans les modes de gestion du social (Otero, 2013), plutôt qu’à une logique professionnelle spécifique appartenant au travail social. Puisque les TS interrogés interpellent de façon importante la notion d’aide dans la définition du travail social, une modélisation de cette notion est proposée. Les enjeux relatifs à ces conceptions seront discutés afin d'alimenter les débats actuels autour de l'analyse des pratiques professionnelles en travail social.

Professionnalisation, Savoir-faire, Compétence