L’Amérique latine et la colonialité du pouvoir: solidarité à partir de la différence coloniale
Année : 2017
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
LEITE SOMBRA Laurenio (Brésil) – lausombra@hotmail.com
Résumé :
L’Amérique latine et la colonialité du pouvoir: solidarité à partir de la différence coloniale
Le sociologue péruvien Aníbal Quijano a développé le concept de « colonialité du pouvoir », position selon laquelle le processus de la modernité et de la colonisation a établi une nouvelle norme mondiale pour le pouvoir et la connaissance divisées en hiérarchies raciales et diverses dualités qui différencient ces hiérarchies: sujet-objet, corps-esprit, culture-nature, civilisé-barbare, raison-déraison, entre autres. Le rôle complémentaire et secondaire de la dualité correspond en général aux races subalternes, lesquelles sont dominées et exploitées par l'homme blanc, titulaire de la condition de l'homme civilisé, rationnel et capable d'explorer la nature. Un autre aspect important de la colonialité du pouvoir a été la primauté de l'idée d’individu consolidée par la conception du « citoyen européen » comme base de son système politique. Avec cette constitution identitaire, ont été développées certaines bases de la pensée libérale, comme la concurrence en tant que moteur principal de la production capitaliste, qui a atteint son paroxysme avec le néolibéralisme.
L'Amérique latine est devenue un espace particulier de l'expérimentation de la dualité modernité-colonialité. Colonisée par les hommes blancs européens, elle est restée avec un fort contingent d’Amérindiens, de Noirs et de Métis, qui occupent généralement des postes subalternes dans le système social et ont vu leur culture unique disqualifiée. Ceux-ci, bien qu'ils aient été profondément transformés par les nouvelles relations établies, ne se sont pas pleinement adaptés au modèle européen. L'Amérique latine est devenue ainsi un espace hétérogène de relations sociales. Malgré son adoption formel du modèle hégémonique européen, une partie importante de sa population est porteuse de composantes culturelles distinctes, spécifiques.
C’est donc dans ce contexte que nous pouvons parler de la notion de différence coloniale. Selon Walter Mignolo, «la différence coloniale est l'espace où la colonialité du pouvoir émerge. (...) C’est l'espace où les projets mondiaux sont contraints d'adapter, d'intégrer et d'où ils sont adoptés, rejetés ou ignorés.» Ce concept nécessite une «pensée liminaire». Il «crée des conditions pour les situations dialogiques dans lesquelles est mise en scène, dans la perspective subalterne, une énonciation fracturée, comme une réaction au discours et à la perspective hégémonique.»
Parmi les «histoires locales» produites par la différence coloniale, il existe plusieurs autres types de relations sociales. Comme indiqué par Serge Latouche, «dans les pays d'Amérique latine, en particulier, l'éthique de la solidarité se manifeste par de nombreuses formes de micro-organisations autogérées: les organisations économiques populaires du Chili, les communautés ecclésiales de base au Brésil, les organisations de quartier, les jeunes et les mouvements de femmes, les associations autochtones, les groupes environnementaux, etc.»
Ces configurations originales sont néanmoins constamment affectées par l’«occidentalisation» qui les traverse. Les populations concernées sont influencées par des injonctions économiques et idéologiques d'une perspective plus individualiste, mais aussi séduites par son charme. Les résultats sont toujours complexes et, dans une certaine mesure, précaires.
Le but de cette communication est de réfléchir, dans ce contexte, sur l’articulation de ces éléments paradoxaux. Comment penser les possibilités de solidarité des peuples subalternes de l'Amérique latine dans le cadre de la colonialité du pouvoir et de la différence coloniale? Comment ceux-ci peuvent-ils faire usage de certains acquis de la modernité sans perdre les liens essentiels avec la solidarité? Cette recherche est un essai philosophique qui vise à articuler la théorie de Aníbal Quijano et Walter Mignolo, les deux s’engagent en faveur d’une pensée latino-américaine, avec des réflexions en cours, de l’auteur lui-même.
Le sociologue péruvien Aníbal Quijano a développé le concept de « colonialité du pouvoir », position selon laquelle le processus de la modernité et de la colonisation a établi une nouvelle norme mondiale pour le pouvoir et la connaissance divisées en hiérarchies raciales et diverses dualités qui différencient ces hiérarchies: sujet-objet, corps-esprit, culture-nature, civilisé-barbare, raison-déraison, entre autres. Le rôle complémentaire et secondaire de la dualité correspond en général aux races subalternes, lesquelles sont dominées et exploitées par l'homme blanc, titulaire de la condition de l'homme civilisé, rationnel et capable d'explorer la nature. Un autre aspect important de la colonialité du pouvoir a été la primauté de l'idée d’individu consolidée par la conception du « citoyen européen » comme base de son système politique. Avec cette constitution identitaire, ont été développées certaines bases de la pensée libérale, comme la concurrence en tant que moteur principal de la production capitaliste, qui a atteint son paroxysme avec le néolibéralisme.
L'Amérique latine est devenue un espace particulier de l'expérimentation de la dualité modernité-colonialité. Colonisée par les hommes blancs européens, elle est restée avec un fort contingent d’Amérindiens, de Noirs et de Métis, qui occupent généralement des postes subalternes dans le système social et ont vu leur culture unique disqualifiée. Ceux-ci, bien qu'ils aient été profondément transformés par les nouvelles relations établies, ne se sont pas pleinement adaptés au modèle européen. L'Amérique latine est devenue ainsi un espace hétérogène de relations sociales. Malgré son adoption formel du modèle hégémonique européen, une partie importante de sa population est porteuse de composantes culturelles distinctes, spécifiques.
C’est donc dans ce contexte que nous pouvons parler de la notion de différence coloniale. Selon Walter Mignolo, «la différence coloniale est l'espace où la colonialité du pouvoir émerge. (...) C’est l'espace où les projets mondiaux sont contraints d'adapter, d'intégrer et d'où ils sont adoptés, rejetés ou ignorés.» Ce concept nécessite une «pensée liminaire». Il «crée des conditions pour les situations dialogiques dans lesquelles est mise en scène, dans la perspective subalterne, une énonciation fracturée, comme une réaction au discours et à la perspective hégémonique.»
Parmi les «histoires locales» produites par la différence coloniale, il existe plusieurs autres types de relations sociales. Comme indiqué par Serge Latouche, «dans les pays d'Amérique latine, en particulier, l'éthique de la solidarité se manifeste par de nombreuses formes de micro-organisations autogérées: les organisations économiques populaires du Chili, les communautés ecclésiales de base au Brésil, les organisations de quartier, les jeunes et les mouvements de femmes, les associations autochtones, les groupes environnementaux, etc.»
Ces configurations originales sont néanmoins constamment affectées par l’«occidentalisation» qui les traverse. Les populations concernées sont influencées par des injonctions économiques et idéologiques d'une perspective plus individualiste, mais aussi séduites par son charme. Les résultats sont toujours complexes et, dans une certaine mesure, précaires.
Le but de cette communication est de réfléchir, dans ce contexte, sur l’articulation de ces éléments paradoxaux. Comment penser les possibilités de solidarité des peuples subalternes de l'Amérique latine dans le cadre de la colonialité du pouvoir et de la différence coloniale? Comment ceux-ci peuvent-ils faire usage de certains acquis de la modernité sans perdre les liens essentiels avec la solidarité? Cette recherche est un essai philosophique qui vise à articuler la théorie de Aníbal Quijano et Walter Mignolo, les deux s’engagent en faveur d’une pensée latino-américaine, avec des réflexions en cours, de l’auteur lui-même.
Mots clés :
Solidarité, Cohésion sociale, Interculturel, Différence coloniale
Colonialité du pouvoir
Amérique Latine
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