Groupes d’entraide en Suisse : contributions aux systèmes sociaux et de santé de la solidarité entre pairs
Année : 2017
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Gonthier Hakim (Suisse)
DESLAURIERS Jean-Martin (Canada) – jean-martin.deslauriers@uOttawa.ca
Résumé :
Face à l’affaiblissement des liens sociaux traditionnels, les groupes d’entraide cultivent des solidarités distinctes des solidarités familiales ou soumises à l’administration publique (Engelhardt & al., 1985 ; Borghetto & Kolba, 2008). De par la place centrale qu’y occupe le principe de don-contre-don entre pairs, ils proposent une redéfinition du lien social, dans un contexte de marchandisation des biens et services propre à la société industrielle et post-industrielle (Gognalons-Nicolet, Bardet Blochet, Zbinden, 2006).
Face à l’absence de recherche récente sur ce thème en Suisse (Stremlow, 2004, 2006), notre étude de l’entraide autogérée (Ben Salah et al., 2017) est une commande d’Info-Entraide Suisse, faîtière des groupes et organismes d’entraide en Suisse. D’envergure nationale, notre recherche analyse le développement, les bénéfices et les limites des groupes d’entraide en Suisse, en mobilisant un dispositif de méthodes mixtes.
Au niveau micro-social, nous nous sommes penchés notamment sur les divergences et convergences de regards entre les professionnels d’institutions médicales et sociales les membres de groupes d'entraide, quant aux bénéfices de la participation aux groupes d’entraide. Ce faisant, nous avons également révélé des éléments clés des rapports entre ces deux types d’acteurs. Six groupes focalisés regroupant, au total, 46 membres de groupes d’entraide, ainsi que des entretiens menés avec 12 professionnels du social et de la santé, révèlent une perception commune des avantages et des limites de cette forme d’exercice de la solidarité. D’un côté, participants et professionnels soulignent les effets positifs de la participation à un groupe d’entraide : regain d’un état de bien-être ; diminution du sens de culpabilité et du sentiment de solitude ; gain en reconnaissance ; acquisition de compétences et de savoirs-être ; élaboration d’un positionnement d’acteur informé en regard des problématiques sociales et familiales vécues. D’un autre côté, les rapports entre groupes d’entraide et professionnels se révèlent parfois conflictuels. Les retombées favorables pour les membres, en termes d’affirmation et de capacité de positionnement (empouvoirement) leur procurent une expertise susceptible de créer des occasions de contestation du savoir médical. En outre, si les groupes sollicitent les professionnels des deux domaines précités pour leur expertise, l’intérêt n’est, souvent, pas réciproque. En effet, des reproches récurrents sont adressés par les membres de groupes aux professionnels concernant leur manque de soutien et de reconnaissance.
Au niveau méso-social, notre étude, qui s’est basée, entre autres, sur 20 entretiens menés avec des responsables d’antennes régionales (Centres Info-Entraide), souligne les disparités importantes de ressources entre les structures régionales de soutien aux groupes d’entraide. Elles s'accompagnent d'inégalités en regard de l'accès à ce type de solidarité, au sein de la population suisse. Pourtant, globalement, les groupes d’entraide sont une ressource régulièrement mobilisée par les patients et les bénéficiaires d’institutions sociales. A l’échelle de la Suisse, nous estimons, en effet, que les participants aux groupes d'entraide bénéficient d'un million d'heures de soutien annuellement.
La connaissance apportée par notre étude contribue à renouveler le regard sur la façon dont les groupes d’entraide, par l’instauration d’une solidarité entre pairs, soutient les usagers des systèmes médicaux et de santé. La mise en évidence des retombées de la participation aux groupes d’entraide apparaît particulièrement pertinente au vu de la stratégie développée sur un plan fédéral en Suisse (Stratégie Santé 2020, cf. OFSP 2016). Elle montre l’importance de renforcer le soutien aux structures régionales d’entraide, en vue d’accroître les compétences et l’autonomie des personnes concernées directement ou indirectement par des problèmes sociaux et de santé.
Mots clés :
Solidarité de proximité, Lien social, Usager
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