Une perspective axiologique pour l’ingénierie sociale
Année : 2010
Thème : Référentiel de compétences ou référentiel de valeurs ?
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
ROMAINVILLE Michel (Belgique) – mromainv@ulb.ac.be
SCULIER Sylvia (Belgique)
PIELTAIN Nathalie (Belgique) – nathalie_pieltain@hotmail.com
Résumé :
Lors d’une communication intitulée « Ingénierie sociale, un concept amphibologique » effectuée au Congrès de l’AIFRIS à Hammamet en 2009, nous insistions sur la nécessité de définir clairement le rôle et la fonction de « l’ingénierie sociale ». Face à la polysémie du vocable et aux usages technocratiques voire coercitifs du concept, il s’agissait pour nous d’en proposer un modèle « ascendant » basé sur la participation citoyenne et le développement social ; un modèle dont il faut reconnaître qu’il est à l’antithèse des préoccupations utilitaristes de notre époque. En effet, comme le constatent dans leur ouvrage respectif, Vincent de Gaulejac (2009) et Michel Chauvière (2007), le secteur « social » est de plus en plus soumis aux impératifs gestionnaires et au référentiel de l’entreprise privée. C’est ainsi que sans réflexion approfondie et en l’absence d’un débat démocratique, les notions d’excellence, de qualité, de performance, de compétence, de service, de client, etc. ont progressivement imposé de nouvelles pratiques dans les secteurs de l’enseignement, des soins de santé et de l’action sociale.
Directement transposé du monde de l’entreprise, l’établissement d’un « référentiel de compétences » est ainsi devenu une injonction incontournable dans la sphère de l’enseignement en Belgique. A la suite de la Suisse, du Canada de la France et dans le cadre des politiques d’unification européenne, les différentes filières de formation ont été « conviées » à élaborer leur référentiel de compétences.
Le manque de concertation avec l’ensemble des acteurs, la précipitation dans laquelle doivent être produits les référentiels et l’amalgame paradigmatique (Boutin 2004) qui se traduit par l’absence d’une définition partagée de la notion de compétence, constituent des éléments révélateurs de l’urgence d’un dessein politique qu’on ne souhaite visiblement pas soumettre au processus démocratique. Nous avons d’une part, le projet récurrent de l’entreprise qui souhaite vassaliser l’école à ses besoins, et d’autre part le projet singulier de l’enseignement qui vise avant tout à former des citoyens autonomes, actifs et responsables.
Le référentiel de compétences qui s’impose aujourd’hui aux formations du social ne constitue finalement qu’une transposition dans l’enseignement des préceptes managériaux qui visent à circonscrire et contrôler de façon stricte le champ d’action des travailleurs sociaux.
Partant d’observations de terrain en terme de contrainte et de paradoxe, notre communication questionnera la manière dont le référentiel de compétence, en transposant les attentes du monde de l’entreprise dans celui de l’enseignement engage celui-ci dans une dérive utilitariste. Dans une perspective de résistance à un tel glissement, nous explorerons les pistes par lesquelles subvertir « l’obsession des compétences » (Boutin/Julien 2000).
Le contenu de notre communication est le fruit de recherches et de réflexions tripartites impliquant une professionnelle diplômée en Ingénierie Sociale ainsi que deux enseignants du Master en Ingénierie et Action Sociales ayant participé à l’élaboration du référentiel de compétences.
Mots clés :
Culture professionnelle, Formation, Logique marchande, Référentiel de compétences
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