Le dessous des cartes

Année : 2017

Thème : Conférence plénière Congrès de Montréal

Type : Autre (poster, ...)

Auteur(s) :

WAMPFLER-BENAYOUN Sylvie (Suisse) – sylvie.wampfler@hesge.ch

Résumé :

L’engouement actuel de certaines fondations privées pour la prévention précoce auprès des enfants mérite d’être élucidé au-delà des bonnes intentions et à partir des approches préconisées. Par exemple, parler d’enfants à risques ne désigne pas les enfants en tant qu’individus, acteurs de leur développement, mais comme un « produit » tout droit sorti de l’évaluation des risques. Comment est-on passé de calculs statistiques destinés à renseigner les décideurs à propos des faits de société au désir de maîtrise de la survenue du risque et de ses impacts, en particulier dans le domaine du développement de l’enfant.

Invitée à participer au débat de clôture pour mettre en question l’idée qu’il est « fondamental de focaliser la politique de prévention de la délinquance sur la prévention précoce » (Journal Le Monde, 18-02-2011), j’évoquerai quelques caractéristiques de la prévention prédictive, car celle-ci considère –à priori- que les difficultés – éventuelles- d’adaptation à la vie collective ont un fondement purement biologique. Ce qui signifie que la difficulté que des enfants pourraient éprouver par exemple à « […] tisser des liens amicaux, […] gérer les conflits… » (Baghdadli, & Brisot-Dubois, 2011, p.34) serait liée à un défaut d’analyse des situations sociales. Autrement dit, à un probable déficit cognitif qu’il convient de détecter rapidement et comme tous les bébés peuvent être possiblement atteints de dysfunction, il est possible de remettre des questionnaires tels que l’ASQ-3 (Dionne, 2011) par exemple, aux parents qui participent aux programmes de dépistage. Des outils de prévention prédictive, sans visée diagnostique au sens médical du terme, existent donc dans le but d’évaluer les risques que courent les enfants dès l’âge de deux mois et puisque ceux-ci permettent de détecter, entre autres, de probables difficultés de développement en termes de « communication » ou d’« aptitudes individuelles et sociales » à partir desquelles les parents pourront être orientés… le problème n’est pas que des professionnels de tous horizons puissent avoir accès aux clefs de lecture des résultats, mais provient du fait que les parents ne reçoivent aucune garantie que les données récoltées ne seront pas utilisées à d’autres fins. Enregistrées dans des bases de données, les résultats peuvent participer aux études de trajectoires (Speranza & Valeri, 2010) et comme c’est à partir des études de trajectoires que l’on détermine à quoi devrait–ressembler- un enfant à risque, il arrive que- nous- professionnels nous retrouvions dans une impasse.

Une fois que des chercheurs, des professionnels ou des collectivités publiques et des fondations qui pratiquent du capital invest s’accordent pour diminuer l’impact des risques prédéterminés, nous assistons, en Suisse comme au Canada à l’émergence du discours suivant : les « troubles de l’ordre public » (notion juridique) et autres « manifestations » ne prennent pas naissance dans la rue, à cause de conditions sociales défavorables ou de la fracture économique ou numérique, etc. mais parce que le cerveau de l’individu subi des « dégâts » (Journal Le Monde, 15-03-2017) à moins qu’il ne soit carrément tenu pour responsable de ceux-ci. Lorsque l’on confond cerveau et pensée (Zarka, 2014) et que l’on voit fleurir des explications qui justifient le projet d’institutions publiques et privées de s’associer pour se prémunir des troubles qui risquent de survenir demain dans la cité… en surveillant d’un peu plus près les comportements des touts petits, la question du développement du sujet, disparaît du discours.

Mots clés :

Solidarité, Solidarité, Subsidiarité

← Retour à la liste des articles