Se sortir de la rue, s’en sortir sans sortir : quelles sorties pour quelles trajectoires de vie ?

Année : 2017

Thème : Carrefour des savoirs Sortir de la rue, s’en sortir de la rue, s’en sortir dans la rue. Quelles solidarités possibles ?

Type : Autre (poster, ...)

Auteur(s) :

Carotenuto-Garot Aurélien (France) – aureliengarot@gmail.com

Résumé :

A partir du récit de trois trajectoires de sans-domicile je montrerai divers positionnements vis-à-vis de la sortie de carrière. Les motivations et conditions de la sortie varient en fonction des raisons ayant conduit l’individu à la rue, ainsi que de par les pratiques et représentations qu’il a développées lors de sa vie.
Abdou, suite à une séparation conjugale a sombré dans une profonde dépression par laquelle il s’est abandonnée dans la rue, vers un suicide passif. Suite aux encouragements d’une amie venant lui rendre visite quotidiennement, lui insufflant de l’espoir et le confrontant à la réalité de ses actes, il a commencé à inverser la tendance de sa trajectoire. Ce fut un événement déclencheur. Il s’est alors à nouveau projeté vers l’avenir et a mené l’ensemble des démarches destinées à se sortir de la rue. Il a d’abord obtenu une place stable dans une structure d’urgence, puis dans un CHRS. Il perçoit actuellement le RSA et cherche un travail, en vue d’accéder à un logement de droit commun. Sa dépression étant le principal moteur de sa trajectoire de sans-domicile, trouver suffisamment d’arguments pour faire le choix de continuer de vivre et de se battre dans ce sens fut décisif pour Abdou. Sa carrière de SDF n’est pas encore terminée du fait qu’il ne détient toujours pas de logement personnel. Cependant le risque de rechute est très limité et le processus de sortie très avancé.
Dans le cas de la famille Ben Achour (couple +3 enfants) c’est l’expérience migratoire qui est responsable de leur maintien à la rue. Tant que leur situation n’est pas régularisée il leur est impossible d’accéder à un logement. Durant ce temps ils accordaient beaucoup d’importance à s’éloigner de la rue et des autres SDF. Leur principale source de motivation étant de préserver leurs enfants et de tout faire pour garantir leur avenir. Ils évitaient donc de fréquenter les dispositifs accueillant des SDF et préféraient des associations artistiques et de travailleurs migrants. Ils accédaient ainsi aux biens et services nécessaires à leur survie et au maintien de leur dignité. En contrepartie ils réalisaient du bénévolat dans ces structures. En parallèle ils n’ont jamais cessé d’appeler le 115. Au terme de ces années d’errance, ponctuées de nuitées 115 et d’arrangements avec des particuliers, ils ont obtenu une place stable en hôtel. Ils ont ensuite été régularisés, et ont tous deux trouvé un CDI en moins d’un mois. Deux mois plus tard, l’accès à un logement solibail a marqué la sortie définitive de leur carrière de sans-domicile.
Abdel présente de nombreuses problématiques individuelles obstruant sa sortie de carrière. Suite à des faits de violence envers sa femme il a commencé sa vie de SDF. Dans la rue, il a rencontré des personnes qui lui ont appris à (sur)vivre en tant que sans-abri, et avec lesquels il a développé d’importantes addictions. Il porte également en lui une grande colère, ayant motivé plusieurs expulsions de structure. Pendant ces trois ans de rue il s’est constitué un quotidien routinisé de sans-abri. Cependant, sa santé qu’il sent déclinante et le sentiment que s’il ne fait rien maintenant il ne s’en sortira jamais l’a conduit à recommencer à appeler le 115 régulièrement et à chercher à maintenir un accompagnement social. Il a accédé à une place en hébergement hivernal qu’il a maintenu jusqu’à la fin de l’hiver 2017, date à laquelle il a été orienté sur une place stable en hôtel en attente d’un hébergement d’insertion. Dans son cas le processus de sortie est enclenché, seulement il est impossible de savoir s’il sera mené à son terme tant il présente de nombreuses problématiques individuelles pouvant mener à une nouvelle exclusion : addictions, colère. Pour le moment il s’est sorti de la rue, mais pas de sa trajectoire de sans-domicile car même si la rue n’est plus son environnement social, son être social en demeure imprégné.

Mots clés :

Solidarité, Ville, Service de proximité

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