Le prix de l’insertion

Année : 2017

Thème : Carrefour des savoirs Sortir de la rue, s’en sortir de la rue, s’en sortir dans la rue. Quelles solidarités possibles ?

Type : Autre (poster, ...)

Auteur(s) :

LELUBRE Marjorie (Belgique) – mlelubre@hotmail.com

Résumé :

Ce travail de recherche se base sur le suivi, pendant 3 ans, de trente-trois personnes ayant expérimenté une forme d’exclusion du logement et bénéficiant d’un dispositif d’accompagnement visant à favoriser le retour en logement et de 28 travailleurs sociaux en charge de ces accompagnements. Des entretiens individuels semi-directifs et des séances d’observation directes des pratiques ont constitué l’appareillage méthodologique. Cette recherche a été menée en parallèle à Charleroi et Liège, en Belgique, deux centres urbains particulièrement touchés par les phénomènes d’itinérance.

Le point de départ de cette recherche avait pour objet d’inverser la tendance habituelle des courants d’analyse relatifs au sans-abrisme. Il s’agissait non plus d’interroger les causes pouvant expliquer qu’une personne expérimente l’espace public comme lieu vie mais d’analyser les ressorts par lesquels une « sortie de la rue » est envisageable ; ce questionnement tendant à interroger à la fois les dispositifs institutionnels tels qu’ils sont constitués par les autorités publiques et le secteur associatif mais aussi les obstacles et leviers qui recoupent les différentes trajectoires individuelles ici évoquées.

Dès la phase exploratoire, nos observations nous ont amené à favoriser un niveau d’analyse micro pour nous intéresser au cœur de ce qui constitue les dispositifs d’accompagnement social en logement, à savoir la relation entre personnes bénéficiant de l’accompagnement et travailleurs sociaux. Cette relation est au centre du dispositif, et marque l’ensemble des discours des acteurs. Si le désir de sortie de rue apparaît souvent comme une constante dans les trajectoires analysées, les travailleurs sociaux ont un rôle essentiel dans les prémisses de tentative de sortie de rue, notamment par la mise en place de ce que nous avons appelé « la mythologie de l’élu » où l’ensemble du jeu interactionnel vise à valoriser la personne et à la persuader du bienfondé de ses tentatives pour « s’en sortir », première étape fondamentale du parcours.

Mais ces tentatives d’insertion sont loin d’être aisées et les obstacles à surmonter sont nombreux, entraînant un « prix à payer », tant dans leur construction identitaire que dans leurs stratégies relationnelles. Tout au long de leur parcours, les personnes sont en effet entraînées dans une suite d’attachements et de détachements avec leurs réseaux sociaux. En effet, la situation d’exclusion du logement entraîne souvent la perte de liens avec le réseau primaire. Le sentiment de honte que ressentent de nombreuses personnes sans-abri face à leur impossibilité de répondre à la norme logement les amènent à rompre le contact avec leur famille et leurs amis. Pour autant, la vie en rue n’est pas toujours synonyme d’isolement. Pour des raisons de sécurité, de survie, la vie en rue s’assortit de nombreux contacts sociaux, que ce soit avec les compagnons de galère, les travailleurs sociaux ou simple habitants d’un quartier devenu lieu de vie habituel. Si ces contacts sont instables, parfois emprunts de violence, physique ou symbolique, ils sont une composante essentielle de cette vie en rue. Or, le retour en logement implique une rupture brutale avec ce nouveau réseau social ainsi constitué. Alors que les services sociaux d’urgence ne sont plus accessibles une fois de retour en logement entraînant un éloignement des travailleurs sociaux rencontrés dans ces services, alors que les personnes sont invitées à ne pas héberger leurs anciens compagnons dans leur nouveau lieu de vie, le logement devient synonyme d’un grand sentiment de solitude. Dans ce nouveau contexte, les travailleurs sociaux en charge de l’accompagnement social deviennent des piliers centraux dans la vie des personnes qu’ils accompagnent. Alors qu’un nouvel investissement relationnel, voire émotionnel, est ainsi encouragé, la fin du dispositif d’accompagnement entraînera une nouvelle rupture supplémentaire pour les personnes accompagnées, un nouveau « prix à payer ».

Mots clés :

Solidarité, Solidarité de proximité, Ville

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