Sortir de la rue, s’en sortir de la rue, s’en sortir dans la rue. Quelles solidarités possibles?
Année : 2017
Thème : Carrefour des savoirs Montreal sortir de la rue
Type : Forum, GT, Carrefour
Auteur(s) :
KEAYS Nancy (Canada)
Résumé :
On ne peut plus ignorer la forte prévalence de parcours traumatiques chez une majorité de personnes en situation d’itinérance. Ne devrait-on pas reconnaitre que ces traumas prennent naissances dans des problèmes sociaux beaucoup plus larges et beaucoup plus complexes?
Les neurosciences ont développés d’importantes connaissances, ces dernières années, sur les empreintes laissées, au cœur du cerveau des victimes d’adversités dans l’enfance. Ces empreintes sont particulièrement importantes lorsque les traumas sont vécus alors que le cerveau est en plein développement. Les abus physiques, psychologiques ou sexuels, les négligences physiques et affectives et le dysfonctionnement familial lié à une pathologie psychiatrique, une incarcération, un divorce ou l’abus de substances d’un parent obligent les enfants à s’investir dans leur survie plutôt que dans leur développement. Pendant que leur mécanisme de réaction au stress est activé, ils ont peu accès à la partie de leur cerveau qui est responsable d’apprentissages importants pour les préparer à leur intégration scolaire et sociale, tel que la régulation des émotions et des comportements, l’organisation, la planification, la concentration, les habiletés sociales, le jugement, l’autocritique etc. En résulte des difficultés scolaires et, souvent, une revictimisation. On note un important taux de décrochage scolaire chez les personnes en situation d’itinérance (Projet chez soi, échantillon de 469 personnes: 49% sans diplôme, 21% diplôme de secondaire 5 et 30% diplômes autres). À l’adolescence, plusieurs adoptent des conduites d’apaisement tel que la consommation d’alcool ou de drogues.
Tous ces facteurs additionnés à la complexité des dynamiques familiales et sociales contribuent à l’effritement des réseaux de soutien et à la difficulté d’intégration sociale. L’exclusion sociale, la pauvreté, les inégalités sociales et de santé les marginalisent encore plus, les laissant condamnées à un stress quotidien, à la stigmatisation, à vivre de la honte, de la culpabilité, une profonde impuissance et souvent une dépression. Pour y survivre, le recours à des conduites d’apaisement ou à la déconnexion de soi et de son environnement devient une bouée de secours dont on ne mesure pas le cout. Sortir de la rue, s’en sortir impose une reconnexion à soi et aux autres. Les traumatismes ont été causés dans les relations, ça prend des relations positives pour reconnecter et s’intégrer. Ces relations se vivent à travers le sentiment d’appartenance, le sentiment d’être utile, d’avoir une valeur aux yeux des autres, avoir la possibilité de faire des choix, d’avoir le pouvoir sur sa vie, le sentiment sécurité et la solidarité. Cette solidarité ne peut pas se vivre à sens unique, elle implique une réciprocité, une reconnaissance de l’autre pour lui permettre de trouver sa place dans la société.
Mots clés :
Solidarité, Ville, Solidarité de proximité
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