Reconnaître la souffrance des femmes en situation de pauvreté extrême afin d’intervenir de manière solidaire
Année : 2019
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Savoie Lise (Canada) – lise.savoie@umoncton.ca
LANTEIGNE ISABEL (Canada) – isabel.lanteigne@umoncton.ca
ALBERT Hélène (Canada) – helene.albert@UMoncton.ca
Résumé :
Cette communication s’inscrit dans l’axe 2 soit la lutte contre les inégalités et veut présenter les résultats d’une recherche portant sur les souffrances que vivent des femmes en situation de pauvreté extrême. Au Canada, les femmes sont plus à risque de devenir pauvres (Sharma, 2012). Ainsi, les femmes autochtones, handicapées, immigrantes, victimes de racisme, mères monoparentales, célibataires, âgées et « les travailleuses à faible salaire tout particulièrement grossissent les rangs des pauvres au Canada » (Khosla, n.d.). Le Nouveau-Brunswick, province canadienne, n’échappe pas à cette tendance, la population la plus pauvre étant composée majoritairement de femmes, dont 67 % gagnent moins de 20 000 $ par année (Gouvernement du Nouveau-Brunswick, 2012). En 2016-2017, les femmes seules prestataires de l’assistance sociale reçoivent un revenu annuel de 6 958 $ (Front commun pour la justice sociale). Cette pauvreté extrême et persistante entraine des difficultés, dont l’isolement, l’accès à l’emploi, la dépréciation des qualifications à l’emploi et la maladie physique et mentale (McAll et al., 2012). Ces femmes vivent ainsi des inégalités sociales et celles-ci sont observables dans plusieurs dimensions de leur trajectoire de vie notamment selon leur situation familiale, leur parcours d’éducation, le contexte géographique et le contexte socio-politique (Savoie, Albert et Lanteigne, 2018). Cette recherche sur la pauvreté extrême des femmes s’inscrit dans une méthodologie qualitative. Pour bien saisir les différentes expériences des femmes, nous avons eu recours aux récits de vie permettant d’accéder à leur vécu, à leur histoire en formation et à leur réalité sociohistorique (Bertaux, 2010). Pour donner sens à leur vécu, trois niveaux d’analyse de données ont été utilisés. L’analyse diachronique a permis de structurer les histoires des participantes en tenant compte des évènements vécus selon une perspective temporelle (Bertaux, 2010). L’analyse compréhensive a permis de saisir les phénomènes qui sont racontés afin d’en faire l’interprétation et de comprendre les processus sociaux en jeu (Kaufmann, 2006). Enfin, l’analyse thématique a permis de repérer, de regrouper et d’examiner les thèmes pertinents à la recherche qui ressortent des récits recensés (Paillé et Mucchielli, 2012). Nous avons interrogé 7 femmes en situation de pauvreté en 2017 qui ont témoigné de leur expérience durant en moyenne une heure et demie. Les rencontres avec ces femmes ont notamment mis en lumière une dimension subjective soit la souffrance qu’entraine la pauvreté. Ainsi, cette souffrance semble découler de systèmes qui promeuvent des idéologies dominantes valorisant, entre autres, le succès et la réussite matérielle (Jo, 2012), qui produisent de la honte (Chamberlen, 2017), qui offrent peu d’espoir (Reid et Tom, 2006) et qui minent le pouvoir des femmes (Novak, 1995). De plus, les différentes formes d’oppression vécues, cumulées et entrecroisées, constituent une source importante de souffrance. Leur voix, qui exprime cette souffrance, permet de comprendre la pauvreté au-delà d’une perspective individualisante conviant plutôt à lutter contre la pauvreté dans une visée de justice sociale. Au-delà du discours de reproche et de répression qui est souvent dirigé à l’endroit des femmes en situation de pauvreté, la souffrance dont elles témoignent oblige à dépasser une lecture blâmante (poor-blaming) et abaissante (poor-shaming) de leur pauvreté (Barton et Davis, 2018, p. 192). Il importe pour le travail social de revoir son rapport au pouvoir professionnel dont il est investi de manière à intervenir dans un souci de promotion de la dignité humaine (Gupta, 2015), de reconnaissance et d’actualisation des droits humains et de solidarité auprès des nôtres, ces autres qui comme nous appartiennent à une commune humanité.<br />
Mots clés :
Pauvreté, Femmes, Solidarité
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