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La fraternité comme condition du vivre ensemble dans une société plurielle

Année : 2019

Thème : Autre (poster, ...)

Type : Autre (poster, ...)

Auteur(s) :

BOUDJEMAI Michel (France) – mboudjemai@irts-ca.fr

Résumé :

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel, dans une décision remarquable du 6 juillet 2018 , vient de consacrer la valeur opératoire du principe de fraternité. <br />Après avoir rappelé les dispositions constitutionnelles qui visent la fraternité à savoir les seuls articles 2 et 72-3 de la Constitution de 1958, les Sages en déduisent que « la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle » qui doit être considéré avec la même importance que la liberté et l’égalité. En effet, la référence à l’article 2 précité traduit cette volonté du Conseil constitutionnel. Puis, dans le prolongement de cette idée, le Conseil constitutionnel va indiquer, dans un 8ème considérant, qu’« il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Ce considérant marque ainsi la dimension éminemment humanitaire de la fraternité qui implique solidarité et tolérance. Par ailleurs, la fraternité est aveugle à la situation administrative de la personne aidée - ce qui donne une dimension générale à la liberté d’aider autrui. En même temps, « aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ». Par conséquent, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre le principe de fraternité et la sauvegarde de l’ordre public (principe de valeur constitutionnelle) dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Aussi, pour le Conseil constitutionnel, « en réprimant toute aide apportée à la circulation de l’étranger en situation irrégulière, y compris si elle constitue l’accessoire de l’aide au séjour de l’étranger et si elle est motivée par un but humanitaire, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre le principe de fraternité et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ». En définitive, les Sages distinguent l’aide à l’entrée sur le territoire, c’est-à-dire au passage de frontière, de l’aide à la circulation des personnes étrangères qui implique qu’elles soient déjà rentrées sur le territoire. S’il est vrai que l’aide à l’entrée crée une situation illicite imputable à l’aidant, l’aide à la circulation ne produit pas cette conséquence (considérant 12). Par conséquent, le législateur peut légitimement prévoir une absence d’exemption pour les seules aides à l’entrée sans pour autant méconnaître le principe de fraternité. En revanche, exclure du champ de l’exemption l’aide à la circulation, qui inclut plus ou moins l’aide à l’hébergement, est contraire au principe de fraternité. C’est d’ailleurs parce que les notions de circulation-hébergement peuvent être liées comme distinctes que le Conseil constitutionnel a jugé qu’une exemption pénale était nécessaire. D’une part, parce que l’aide à la circulation peut être l’accessoire d’une aide à l’hébergement. D’autre part, parce qu’elle est motivée par des considérations humanitaires. <br /><br />Nous pensons que cette jurisprudence, au-delà de l’aspect technique qu’elle traite, vient rappeler que la fraternité constitue une limite à l’égoïsme qui habite naturellement tout être humain et oblige, par conséquent, chacun envers les autres membres de la communauté. Par ailleurs, on peut considérer que la fraternité entretient des liens étroits avec une République qui se qualifie de sociale. Autrement dit, la République impose par son système d’organisation une solidarité entre ses membres mais aussi leur rappelle le lien fraternel qui les unit et qui, parfois, à l’expérience d’une épreuve collective douloureuse apparaît comme une évidence.<br /><br />

Mots clés :


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