MONTMOULINET Edith (France) – edith.montmoulinet@sfr.fr

La formation des travailleurs sociaux s’avère un temps clé de socialisation secondaire. Elle offre différents types d’espaces pédagogiques de confrontation à l’altérité. <br />Les pratiques artistiques et expressives se présentent en cela comme un excellent terrain d’expérimentation dans ce domaine, en prenant appui notamment sur l’implication réciproque et la coopération entre les personnes dites accompagnées et les travailleurs sociaux en formation. Elles favorisent l’exploration de chemins de traverse instructifs et constructifs, illustrées, dans le cadre de cette communication, par deux types de dispositifs formatifs : d’une part, un atelier clown, au sein d’un centre de formation réunissant des personnes en situation de handicap et des étudiants éducateurs spécialisés ; et, d’autre part, des activités ludiques et musicales proposées dans le cadre d’une mobilité ERASMUS dans un camp de réfugiés syriens en Grèce. <br />Tant de différences distinguent ces deux actions ! Et pourtant, beaucoup de points communs les lient. Ces activités médiatrices permettent aux étudiants en formation, notamment, de dépasser le connu, l'habituel, pour se « dé-ranger ». C'est une invitation au voyage, au pas de côté, une occasion de changer son point de vue, son positionnement. <br />S’opère aussi un élargissement des sphères d’échanges et d’interactions entre les acteurs concernés. La topographie éducative habituelle est alors bousculée. Les rôles ici s'inversent, laissant transparaître et croître des ressources insoupçonnées, là où ne sont souvent perçus de la part des travailleurs sociaux que carences, déficiences, symptômes… De nouvelles opportunités de relations s’instaurent. En effet, ces activités médiatrices permettent aux usagers du travail social de montrer et de déployer moult compétences, et d’occuper une autre place/ position. La perception initiale et biaisée du travailleur social, source de l’accompagnement social et principalement orientée vers les difficultés… se déplace en intégrant les ressources, les capacités des personnes accompagnées ou rencontrées. <br />Au sein de ces espaces formatifs, en parcourant des chemins inusités, ces futurs travailleurs sociaux apprennent à décaler leur regard, à entendre et apprendre des personnes, auprès desquelles ils assureront des accompagnements socio-éducatifs divers. Les « experts » ne sont donc pas ceux que l’on croit… Les protagonistes déploient des compétences, ensemble… « La distance relationnelle », rempart éducatif et défensif si fréquemment énoncé, prend dès lors une autre coloration, invitant à l’introduction de la notion clé de « proximité éducative ». S’offre également la possibilité de faire bouger les lignes habituelles en terme de don/ contre-don. La posture professionnelle des futurs travailleurs sociaux se voit ainsi modifiée, intégrant peu à peu l’idée pour l’étudiant de ne pas être « celui qui sait tout », et acceptant d’apprendre de l’autre, personne accompagnée comprise. <br />La socialisation professionnelle des éducateurs spécialisés, en prenant appui sur le domaine artistique et le partage d’activités avec le public accompagné, encourage l’ouverture à la pluralité, à l’inconnu et amorce d’autres formes de relations, d’échanges. Une découverte de soi et de l’autre, et une perception plus ajustée et réciproque peuvent en émerger. L’expression artistique offre l’opportunité aux acteurs d’appréhender autrement ou de sortir du statut enfermant et restrictif de « réfugié » ou de « personne en situation de handicap », et de se départir de l’étiquetage prégnant du stigmatisé, de la personne assistée…<br />