PDF FR

Favoriser le vivre-ensemble : bénévoles et personnes en situation de grande précarité à l’épreuve de la réciprocité

Année : 2019

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

ARSAC SANDRINE (France) – sandrine.arsac@gmail.com

Résumé :

Favoriser le vivre ensemble : Bénévoles et personnes en situation de grande précarité à l’épreuve de la réciprocité
Cette communication s’inscrit à la croisée des axes 1 et 2 du Congrès et prend appui sur un travail de terrain dans le cadre d’un doctorat ; l’observation participante a été privilégiée pour le recueil des données (environ 400 h réparties sur 6 mois) soutenu par 40 entretiens semi-directifs. Cette recherche est qualitative et la méthode par théorie ancrée est choisie pour conduire l’analyse. La recherche vise à :
Décrire et comprendre la forme que prennent les relations de réciprocité entre des personnes en grande précarité et ceux qui les accompagnent, positionner la particularité de ces relations sur une modélisation construite à partir du terrain, analyser les conséquences de ce positionnement, analyser les raisons et les conséquences de l’impossibilité à entrer dans une relation de réciprocité.

Le terrain se situe au sein d’un accueil de jour français accueillant des personnes en situation de grande précarité qui trouve dans ce lieu la possibilité de se restaurer, de se doucher, de recevoir leur courrier, de rester durant les heures d’ouverture, de partager des moments conviviaux.
Pour assurer ces missions, une équipe d’une quarantaine de bénévoles se relaie. Tous donnent de leur temps pour que l’accueil se passe au mieux. Une équipe de travailleurs sociaux intervient aussi. Elle reçoit les personnes pour leur permettre d’accéder à leurs droits, les soutient dans la conception de leur projet.
Notre regard va se poser plus particulièrement sur la relation entre les bénévoles et les personnes accueillies. Ce qui nous intéresse est d’examiner la possibilité d’une réciprocité dans celle-ci.
La réciprocité, entendue comme le fait de donner et de recevoir en retour (Racine, 1986, Anspach, 2002), est théorisée comme une norme (Gouldner, 1960) guidant les pratiques sociales et, à ce titre, garante de la dynamique du lien social, de la stabilité sociale, participant pleinement au vivre-ensemble. Cette norme de réciprocité permet un tissage serré entre les membres d’une communauté de par l’interdépendance qu’elle institue (Caillé, 2007).
Par ailleurs, Mauss (Mauss & Weber, 2007) a mis en lumière qu’un don initial, à partir du moment où il est reçu, instaure une dette et appelle l’autre à donner à nouveau. Il a exploré les nombreuses conditions qui encadrent ce don et ce retour du don. Dans le cadre d’un accueil de jour, comment cette réciprocité peut-elle s’exercer ? ne devons-nous pas penser que seule la norme de bienfaisance (Gouldner, 2008) peut s’appliquer face à des personnes qui n’ont rien et qui sont, à ce titre, exemptés de rendre ? Si tel est le cas, cela voudrait dire que les personnes en situation de grande précarité doivent accepter de recevoir sans possibilité de s’extraire de la dette et que, privés de la capacité de rendre, ils sont potentiellement renvoyés à leur place d’inutile au monde (Castel, 2007).
A l’entrée sur le terrain, le point de départ est le constat d’une relation forcément asymétrique. Les bénévoles tiennent entre leurs mains des biens essentiels pour les personnes accueillies qui n’ont, pour la plupart, pas les moyens de les trouver ailleurs. Ils sont, de plus, indispensables, car sans eux la structure ne pourrait pas soutenir de cette façon les personnes accueillies. Comment, dans ces conditions, penser une réciprocité qui ne soit pas qu’allégeance, mais au contraire génératrice d’une relation dans laquelle la dette puisse changer de camp ?
Nous discuterons les analyses tirées de cette recherche sur différents axes.
Premièrement, nous verrons que la relation de réciprocité est possible entre donataires et personnes accueillies et qu’elle se déroule sur quatre dimensions : de la liberté à l’obligation, de la proximité à la distance, de la confiance à la méfiance, de l’alliance au rapport de force.
Mais, cette réciprocité se vit le plus souvent dans un cadre restreint, laissant peu de marges de manœuvre aux personnes accueillies avec des bénévoles renonçant peu aux places établies.
Puis, nous constaterons que la relation de réciprocité est quelquefois impossible . Cela se joue lorsque : une menace est ressentie, il y a refus de s’engager dans la relation, le don ne permet aucun retour ou le don est nié.
Nous explorerons ce que recouvrent ces différents points et leurs conséquences.
En conclusion, il s’agira de discuter des conditions nécessaires pour permettre une réciprocité plus équilibrée dans la relation entre donataire et personnes en situation de grande précarité permettant ainsi aux personnes d’obtenir de la reconnaissance, de s’essayer à (re)nouer un lien avec la société, de leur offrir la possibilité de contribuer, à leur mesure, au vivre-ensemble.

Mots clés :


← Retour à la liste des articles