Mouvements migratoires : nouveaux enjeux anthropologiques et professionnels pour le travail social. Focus sur une situation dans un port Normand (France).
Année : 2019
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
Morange Arnaud (France) – amorange@irtsnormandiecaen.fr
MÉNOCHET Laurent (France) – lmenochet@irtsnormandiecaen.fr
DEVIEILHE Dominique (France) – ddevieilhe@irtsnormandiecaen.fr
Résumé :
Dans la tradition anthropologique, « l’autre », « l’étranger », celui qui vient d’ailleurs, est celui qui vient déstabiliser l’ordre du monde et la structure sociale. Il doit alors être combattu ou repoussé, ou bien on l’intègre dans un réseau d’alliances, d’échanges, en réinventant la matrice culturelle de la société (Mary, 1994). Si la traduction contemporaine de ces deux réponses possibles des sociétés existe et est aisément repérable (entre crispations identitaires, rejet, et accueil, intégration), une nouvelle figure de l’étranger s’invite dans la relation entre « nous et les autres » (Todorov, 1989), celle du migrant, cet exilé du chaos du monde qui recherche la sécurité pour lui-même et ses proches. Une nouvelle forme de nomadisme est née, celle de l’exilé de la société du risque (Beck, 1986) ; risque sanitaire, économique ou climatique. Cette société-là nous oblige à actualiser notre regard philosophique et anthropologique porté sur l’étranger (Agier, 2018). Devenus, par devers eux, passagers clandestins d’un monde clivé – entre terres de sécurité et de richesses, et terres d’insécurité multiforme et pauvres –, gens d’un voyage imposé, réfugiés transfrontaliers ou habitants provisoires (et durables) de nos cités et de nos ports, ils viennent questionner nos catégories de pensée, nos attitudes citoyennes, nos politiques, et nos métiers du travail social. Les figures des « hébergés » et des « hébergeurs » s’imposent alors car, comme le rappelle M. Agier : « l’étranger qui vient, c’est celui qui arrive là, maintenant, à ma porte, dans ma rue, en bas de chez moi, et que je ne peux laisser mourir de faim ou de froid sans rien faire ». En cela, il y a nécessité de revisiter le concept d’hospitalité et de le rendre opérationnel dans nos pratiques professionnelles. C’est ce dont nous souhaitons rendre compte à travers la situation particulière que nous vivons dans un port de Normandie. <br /><br />Bien avant la question de l’accueil des migrants, les « quartiers sensibles » connaissaient déjà les questions posées par « un vivre ensemble pour un monde incertain » comme l’a nommé Serge Paugam (2015). Ce « faire société » (Donzelot, 2003) a toujours reposé sur deux valeurs essentielles et éthiquement fondamentales : la reconnaissance et la protection. Ces valeurs restent au cœur de nos pratiques d’éducateur et de formateur, notamment auprès des migrants. Au sein de notre établissement, nos étudiants sont donc amenés à travailler les questions suivantes :<br />-Comment comprendre les tensions visibles dans notre société sur les réalités concernant l’accueil des migrants, et ce, si près de nous (à 15 km de notre IRTS), où de jeunes migrants attendent l’opportunité de jours meilleurs, en tentant le passage vers l’Angleterre ?<br />-Comment se préparer, comme futurs professionnels, aux réalités d’un accompagnement quotidien de ces personnes migrantes ; accompagnement inscrit dans un « accueil inconditionnel » mais souvent soumis à un « bas seuil d’exigence » (Furtos, 2008) ? Comment répondre à l’urgence et aux besoins fondamentaux, tout en s’appuyant sur ce qui est enseigné depuis la Loi 2002-2 et la mise en place des projets individuels ? Un décret de Loi récent (possibilité de contrôles policiers aléatoires autour des villes portuaires) vient de surcroît complexifier les pratiques. <br />C’est néanmoins dans le périmètre portuaire de Ouistreham que l’association Itinéraires, avec la Croix-Rouge, à mis en place une maraude, assurée plusieurs fois par semaine, afin d’accompagner des réfugiés Soudanais ayant fui leur pays en proie à la guerre civile. C’est la situation de ces migrants, et le travail social en actes, que nous nous proposons de décrire et d’analyser en mobilisant un film documentaire réalisé par nos soins. Car il s’agit aussi de questionner l’« espace vécu » grâce à l’image. <br />L’originalité de notre proposition est qu’elle associe un chercheur, un formateur, une association et un documentariste. <br /><br />
Mots clés :
Interculturel, Question sociale, Formation, Migrants
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