La construction institutionnelle du pouvoir d’agir: du contrôle à la déresponsabilisation.
Année : 2019
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
CHAMMAS GRACE (Canada) – grace.chammas@uqo.ca
Résumé :
La communication est une analyse des soutiens apportés par les travailleurs sociaux à la population des demandeurs d’asile confrontée à une exclusion institutionnelle et à une perte de leur pouvoir d’agir (le pouvoir d'agir est la terminologie que nous choisissons pour traduire le mot empowerment). L’analyse se situe au niveau des luttes des travailleuses sociales contre les inégalités et l'exclusion des demandeurs d’asile en milieu institutionnel, ainsi qu'au niveau de la défense de leurs droits sociaux et économiques. <br />Deux traditions ont forgé l’histoire du travail social. L’une se concentrant sur les besoins, les problèmes et le bien-être individuels et l’autre s’intéressant aux lacunes des environnements sociaux, à la discrimination sociale, aux changements structurels, à la défense des droits et la promotion de la justice sociale (Kam, 2014). Une concordance entre les deux traditions est possible par le biais des droits humains (Healy, 2008; Ife, 2012; Lundy, 2011) dont les principes convergent avec les valeurs du travail social et de sa pratique (Healy, 2008). Cependant, depuis les années 80, et dans plusieurs pays occidentaux, un virage idéologique significatif s’opère tant au niveau de la conceptualisation de la profession qu’aux méthodes de pratique (Jordan, 2004). Le passage d’un développement de l’autonomie et des compétences personnelles et du changement social souscrits à la mission de la profession au déploiement de mécanismes control, à la surveillance et l’application de mesures régulatrices prescrites par des politiques gouvernementales et des directives managériales, s’exécute surtout dans le secteur public (Humphries, 2004). <br />Sur le terrain institutionnel public au Québec, les travailleuses sociales sont confrontées à ces deux réalités. Une réalité institutionnelle guidée par des directives axées sur des objectifs de performance et de statistiques. Une autre interventionnelle orientée par la mission professionnelle et basée sur les problématiques des usagers, notamment celles des demandeurs d’asile. Cette communication illustre la matérialisation de ces enjeux, à partir d’une étude qualitative exploratoire qui explore les pratiques sociales institutionnelles en prenant comme étude de cas, la population de demandeurs d’asile souvent confrontée à des situations de violation de droits sociaux et économiques. À travers une lecture constructiviste, cette communication explore la construction institutionnelle du concept du pouvoir d’agir - concept clé dans les pratiques basées sur la défenses des droits - et à son opérationnalisation dans les interventions. <br />Le pouvoir d’agir est défini comme un processus qui permet à des personnes appartenant à une catégorie sociale stigmatisée d’être soutenues pour développer et accroitre leurs habiletés et de s’impliquer en tant qu’acteurs sociaux (Solomon, 1976). Selon Ninacs (2008), le pouvoir d’agir renvoie à la capacité (nouvelle ou recouvrée) d’une prise de parole, au sein d’instances diverses et à l’accès à différentes ressources, par les personnes qui, en raison de leurs conditions de vulnérabilité, n’ont eu jusque-là qu’un accès limité à de telles instances et ressources (Pelchat, 2010). Il comporte quatre composantes essentielles: la participation, la compétence, l’estime de soi et la conscience critique (Carignan, 2017). En institution publique, le pouvoir d’agir est construit suivant un cadre institutionnel régit par une logique managériale basée prioritairement sur une maximisation de statistiques et d’exigences bureaucratiques mais surtout sur une limitation des pouvoirs participatives des usagers et des acteurs du social (Grenier, Bourque, & St-Amour, 2014). Pour sauvegarder la mission de la profession et ses aspects qualitatifs et humains et dans une perspective de défense de droits, les travailleuses sociales développent des stratégies d’adaptation et des mécanismes d’intervention qui restent en marge du mandat institutionnel et des prérogatives administratives.
Mots clés :
Bonne pratique, Institution, Acteurs, Demandeurs d'asile
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