La dette existentielle et sociale dans la succession des générations

Année : 2010

Thème :

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

VOELIN Sabine (Suisse) – sabine.voelin@hesge.ch
DERY Ida (Suisse)

Résumé :

La question de la durabilité en termes de cohésion sociale à sauvegarder englobe celle de la transmission et donc des liens inter-générationnels. Elle renvoie à l’émergence de la société de l’information, à une nouvelle figure sociale de l’individu comme "homo communicans", le projetant vers des objets symboliques à consommer, tel le relationnel dans un espace-temps planétaire bien éloigné de celui de la société traditionnelle. Ce monde de réseaux créés pour des individus en quête de liens affectifs, s’inscrit dans une logique de marché. Il s’adresse à un individu unique et précieux (« Parce que je le vaux bien »), tout en produisant à large échelle des biens similaires.

Doit-on en déduire que la montée de l’individualisme à atteint son apogée ? La multiplication de grands rassemblements tels les binje parties, (s’absenter de soi-même sans aucune limite), les manifestations contre l’OMC ou celles autour des retraites, nous amènerait à répondre par la négative. Certes, la volonté de se relier est manifeste, même si les causes à l’origine de ces regroupements ne sont pas identiques pour toutes les générations. Or, cette volonté est-elle nécessaire et suffisante pour garantir la solidarité, fer de lance de la cohésion sociale ? Dans une société en crise économique, en crise de sens, que devient le sentiment d’appartenance à un ensemble ? Un individu peut-il se concevoir à la fois comme un citoyen du monde et en même temps se percevoir comme atomisé ? Ce n’est probablement pas un hasard si, dans la situation de crise où nous vivons, les termes de solidarité, sollicitude réapparaissent dans les discours politiques, les médias ou les discours savants. Ainsi, les auteurs des sciences humaines convoquent la doctrine du solidarisme et de la dette sociale pour requestionner le lien social et la solidarité tels qu’ils se déclinent aujourd’hui.

Les médias renvoient les générations dos à dos lorsque se profile l’ombre de la dette sociale devenant exponentielle en raison du rapport entre actifs et inactifs sur le marché du travail. La question de la solidarité inter-générationnelle, celle du "care" (prendre soin de…) comme engagement des parties sur la base d’un accord, passe par la reconnaissance d’un dû, autrement dit d’une dette (sentiment d’obligation de rendre quelque chose de la même valeur que ce qu’on a reçue auparavant). Cette dette inter-générationnelle lie les générations de manière pérenne et traduit, par delà la famille, la cohésion sociale. Devoir la vie à d’autres et la transmettre également à d’autres la rend inextinguible. Son caractère, éminemment symbolique et sacrée, englobe les morts et les ancêtres. Elle est polysémique, atemporelle et chargée d’un sens attribué par des débiteurs et créanciers non précisément identifiés.

Au cours de leur trajectoire de vie, débiteurs et créanciers vont être amenés à se positionner face à cette dette existentielle. Elle peut tout aussi bien leur sembler inexistante (« ils (parents) ne m’ont rien donné, je ne leur dois rien »), caduque (« Après ce que j’ai subi, je n’ai plus rien à leur (parents) prouver »). Ou au contraire exponentielle (« le sentiment de n’en avoir jamais fini avec elle »), voire circonscrite (« le sentiment d’avoir payé, devoir accompli »).

L’interrogation portera sur la dette existentielle au sein des générations familiales, dont la dette sociale peut représenter une extension dans la mesure où toutes deux reposent sur le sentiment d’appartenance, seul à même de créer la solidarité, l’entraide, la sollicitude, ingrédients du lien social.
Plus précisément, nous présenterons quelques cas illustrant la question de la dette au sein de trois générations et en ferons une lecture plurielle, psychogénéalogique et sociologique.

Mots clés :

Lien social, Solidarité, Intergénérationnel, Dette existentielle Dette sociale

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