Faire participer les personnes concernées à la formation professionnelle <br />des travailleurs sociaux ? La question s'impose. Pas la réponse !
Année : 2019
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
CHARTRIN THIERRY (France) – th.chartrin@gmail.com
Résumé :
La formation professionnelle des travailleurs sociaux a notamment pour objectif d'apprendre à adapter les pratiques socio-éducatives à des environnements multiples. Ce processus formatif peut-il se réaliser sans la participation des personnes concernées ? À l'évidence non ! C'est la thèse de cette communication qui aura pour ambition de porter un regard critique sur le système français ainsi qu'une réflexion philosophique sur la nécessité impérieuse d'accompagner cette incontournable démarche.<br /><br />Tout praticien est profondément impacté par une cruelle vérité : il est humain et, à ce titre, malheureusement pas omniscient. Limité par ses sens, par ses héritages éducationnels et par son ignorance, il donc besoin des compétences des personnes principalement concernées pour combler cette réalité afin de l'aider à mieux adapter ses gestes professionnels. Ainsi, dans l'absolu, la formation professionnelle des travailleurs sociaux devrait être impactée par cette pratique de reliance. Logique implacable, mais vérité manifestement dérangeante qui interpelle le champ du travail social à plusieurs niveaux. <br /><br />Pourquoi a-t-il fallu, par exemple, attendre 2015 et le plan d'action en faveur du travail social pour que cette évidence soit aussi clairement exprimée dans un texte réglementaire ? De même, des constats empiriques nous amènent à développer l'idée selon laquelle cette pratique de co-élaboration n'est que trop rarement appliquée dans le champ professionnel ou celui de la formation, à l'exception de quelques expérimentations en cours.<br /><br />Comment pouvons-nous, dès lors, malgré une apparente logique, comprendre cette difficulté à intégrer la participation des personnes concernées dans les formations professionnelles ?<br />Une hypothèse pourrait se loger dans la sacro-sainte posture de distance que tout travailleur social doit se forger pour être un "bon" praticien. Alexandre Jollien (2011), Infirme Moteur Cérébral, évoque sans détour dans son ouvrage L'éloge de la faiblesse les conséquences néfastes de ce qu'il nomme la distance thérapeutique pratiquée par "ses" travailleurs sociaux lorsqu'il était pensionnaire d'un institut éducatif. L'absence de proximité, de gestes d'amour et de prise en compte l'a profondément marqué. Une question s'impose donc : comment apprend-on la proximité dans les centres de formation ? Il ne s'agit pas d'évoquer uniquement la question de l'empathie ou de la clinique, mais de reconnaître, dans une approche Levinassienne, que "je suis l'autre de l'autre".<br /><br />La cause est-elle pour autant perdue ? À l'évidence non, il nous semble que la réunion de certaines conditions peut contribuer à impulser une dynamique.<br />Il s'agit, selon nous, d'accepter une approche dialogique du monde, théorie de la coexistence des contraires, portée par Héraclite, philosophe pré-socratique qui implique que l'harmonie invisible, c'est-à-dire celle qui résulte des contraires, est meilleure que la visible (Gomperz, 2009). En effet, pour Héraclite, « La maladie a rendu la santé désirable ; la faim la satiété et la fatigue le repos » (cité par Gomperz, 2009). En filant la métaphore, nous pourrions suggérer que la fragilité des personnes concernées les a rendues plus fortes de leurs faiblesses (référence à Nietzsche, 1888) et plus savantes. C'est en vivant des expériences limites que ces personnes ont appris.<br /><br />Cette dimension de l'apprentissage apparaît "en contrebande" dans l'expérience des personnes concernées qui interroge les soubassements de l'acte d'apprendre car dans cette situation, c'est à ses dépens (Jenkins, 1933) que l'apprentissage devient expérientiel. C'est dans ce registre que se fonde la légitimité des apprentissages des personnes concernées. La volonté d'en faire un acte de transmission pour les personnes en formation n'est possible qu'à certaines conditions qui seront développées dans cette communication.<br />
Mots clés :
Participation, Formation, Usager, Proximité
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