Les dispositifs d'analyse des pratiques dans le travail social

Année : 2010

Thème : : révélateur d'une modalité de gestion des paradoxes de l'exercice professionnel, analyseur de la construction d'une nouvelle professionnalité

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

SAUTEREAU Laurent (France) – l.sautereau@cefras.com

Résumé :

Notre travail, partant de l'évolution de la société qui entraine dans le champ du travail social comme ailleurs des modifications importantes et que nous regroupons sous le terme d'hyper modernité, tente d'explorer les nouvelles modalités de travail que mettent en place les acteurs professionnels du travail social pour y faire face.

Notre intérêt s'est porté sur les dispositifs d'analyse des pratiques mis en œuvre dans les institutions du travail social, et ce, de façon de plus en plus courante. Cette augmentation du recours à ce type de dispositifs nous invite à nous questionner sur la motivation des différents acteurs à les utiliser. Nous avons donc analysé un certain nombre de dispositifs, contenant le terme "analyse des pratiques" dans leur intitulé, sans prendre en considération le niveau de proximité réel ou revendiqué par rapport à une matrice originelle historique tel que le dispositif du docteur Balint par exemple.

Nous avons pu constater la diversité des référents théoriques mobilisés, des qualifications des intervenants, et des objectifs opérationnels de ces dispositifs. Nous avons donc dans un premier temps conceptualiser ces différentes orientations autour de deux grand axes : d'un coté, le travail sur les effets transférentiels ou contre transférentiels de la relation pour en améliorer l'efficacité ou en limiter les échos intimes sur les professionnels (ces deux dimensions étant liées); De l'autre coté, la recherche d'une amélioration des compétences et des techniques soit sur le plan individuel, soit sur le plan collectif, par le partage d'une analyse réflexive sur les actions conduites. Pourtant, cette diversité qui tend parfois à rendre très floues les finalités de ces différents dispositifs, voire à les rendre contradictoires entre eux, ne semble pas nuire à leur réputation, ni à l'attrait qu'ils suscitent auprès des travailleurs sociaux.

Cette observation nous a amené à rechercher dans un second temps les attentes particulières des différentes catégories d'acteurs de ces dispositifs, à savoirs les commanditaires (souvent les directeurs d'établissements), les participants ou les destinataires de ces dispositifs (les travailleurs sociaux eux-mêmes) et les intervenants mettant en œuvre ces dispositifs. L'étude de terrain qui a suivi nous a permis d'identifier d'une part des attentes différentes suivant les acteurs, mais surtout de comprendre les dispositifs d'analyse des pratiques comme un espace permettant aux professionnels de tenter de "gérer" implicitement au mieux les effets de l'hyper modernité dans la conduite de leur action.

L'emprise du modèle libéral qui tend à rationnaliser et techniciser les pratiques, à transformer la relation en une contractualisation de type consumériste, et à la recherche de profit individuel, est de plus en plus vécu comme un empêchement à la réalisation du travail social, et une source de souffrance pour les professionnels. Cette évolution, qui malgré qu'elle soit contestée s'impose aux travailleurs sociaux, demande un remaniement et une reconstruction du sens de l'activité « travail social », donné par les professionnels eux-mêmes et par l'environnement institutionnel et sociétal. C'est cette reconstruction collective de la professionnalité qui est en jeu dans les dispositifs d'analyse de pratique et qui tente d'articuler finalité et moyens, éthique et réalisme, valeurs historiques et monde contemporain, c'est à dire un ensemble de paradoxes déjà présent dans l'activité même du travail social, mais exacerbés dans le contexte actuel. Le fait que les professionnels ce soient emparés eux-mêmes de cette question au travers de ces dispositifs, pour réguler l'organisation de leur travail quotidien mais aussi les questions déontologiques et éthiques, tendent à rapprocher cette tentative du modèle de la gouvernance en tant que forme de concertation participative cherchant à prendre en compte les intérêts de l'ensemble des acteurs et visant au pilotage d'une institution.

Mots clés :

Secteur social, Logique marchande, Quête du sens

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