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La formation tout au long de la vie : sacralisation d’un concept ou moteur de justice sociale ?

Année : 2010

Thème : L'exemple des travailleurs vieillissants : que nous révèlent les chiffres ? que nous enseignent les recherches ? Enjeux et pistes de réflexion...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

LEONARD Dimitri (Belgique) – dimitri.leonard@ulb.ac.be

Résumé :


Les crises successives enregistrées ces 40 dernières années dans le domaine de l’emploi et du travail se sont accompagnées de remises en question des dispositifs et des processus de régulation socio-économique de nos sociétés.

Si la crise de l’emploi des années 1970 a suscité son lot de critiques de l’action des États providence (Rosanvallon), dans les années 1990, un nouveau courant de pensée (la « Troisième voie ») émerge en Europe et avec lui sa traduction en matière économique et sociale par le concept d’ « État social actif ».

Si ce courant est issu d’un phénomène dynamique et pluriel aux origines multiples (Matagne, 2001), on peut en identifier quelques caractéristiques stabilisées - activation, investissement en capital humain, employabilité - combinant une nouvelle approche (la prévention) mais aussi un nouvel objectif : l’augmentation des possibilités de participation sociale ou encore l’égalisation des chances et l’affirmation des devoirs (Arnsperger, 2001).

Nouveau référentiel d’action publique (Jobert, Muller, 1987), il a marqué de son empreinte les politiques européennes et en particulier la politique en matière d’emploi cristallisée par la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE), définie par des lignes directrices censées opérationnaliser cette politique et renouvelée en 2010 (stratégie Europe 2020), axée sur une croissance intelligente, durable et inclusive.

Au sein de cet espace normatif européen, la formation occupe une place importante. De plus, le traitement politique de la question de l’emploi dans le contexte de construction européenne a mis en avant une approche particulière de la formation à travers « l’éducation et la formation tout au long de la vie » (traduction enfin stabilisée du « lifelong learning ») (Etienne, 2003).

Ce projet se caractérise par une instrumentalisation de la formation tout au long de la vie au service des politiques d’emploi. Pourtant, comme Dubar (2001) le souligne, derrière, la formation tout au long de la vie serait en réalité relativement ambivalente et imprécise ; elle peut en effet avoir des objectifs de type participation citoyenne et d’éducation permanente (Monville, Léonard, 2008) qui ne réduisent pas (nécessairement) cette formation à son utilité en termes d’accès au marché du travail. En Belgique, l’éducation permanente a notamment eu pour objectif d’encourager les capacités critiques des citoyens.

D’autres points sont problématiques dans la promotion de la formation tout au long de la vie dans le cadre des politiques européennes d’emploi. Tout d’abord, les nombreuses résolutions du Conseil européen ne préconisent pas de dispositif particulier de mise en œuvre. Ensuite, l’injonction à une plus grande accessibilité de tous les individus à la formation ne se vérifie pas dans les enquêtes menées sur la question au niveau européen (Continuing Vocational Training Survey) et on constate que ce sont toujours les mêmes profils d’individus qui y ont accès ou qui en sont exclus (Conter, 2005).

Pour adresser ces dilemmes, nous centrerons le propos de notre communication sur un public particulièrement visé par cette injonction à la formation tout au long de la vie, à savoir les travailleurs vieillissants. En effet, cette injonction est une déclinaison de l’idée européenne de « vieillissement actif » (Commission Européenne, 1999).

Dans ce cas précis, comment s’articulent les repères normatifs et cognitifs qui guident l’action publique avec les réalités, l’action et la singularité du terrain ? Quelles sont les logiques de ce type de gouvernance à l’œuvre ? Comment cerner les conditions et l'efficacité de ce nouveau modèle de formation ? Entre-il en continuité ou en rupture avec les pratiques existantes de formation ? Quels impacts pour les acteurs, les intervenants sociaux et les bénéficiaires de la formation ? Parmi ces derniers, quels impacts, in fine, sur les plus fragilisés et les moins qualifiés ?

Mots clés :

Politique publique, Formation, Analyse de discours, Public cible (travailleurs vieillissants)

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