Le travail social à l‘épreuve des sociétés plurielles.
Année : 2019
Thème : Quid d’une “politique” post-plurielle?<br />
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
HAAS Claude (Luxembourg) – claude.haas@uni.lu
MARTHALER Thomas (LUXEMBOURG) – thomas.marthaler@uni.lu
BAJOU Carema (Belgique) – caremabajou@yahoo.fr
Résumé :
A l’image du Liban, les organisateurs du congrès de l’AIFRIS 2019 ont choisi de mettre au centre des débats la question du pluralisme dans ses multiples facettes – culturelle, ethnique ou encore religieuse. Selon l’appel à communication, la pluralité ou la diversité qui traversent nos sociétés contemporaines sont objets de “tensions”, “frustrations”, “discriminations” ou encore “injustices”. Face à ces “défis” menaçant la cohésion sociale, l’appel à communication met en avant une politique du “vivre ensemble” pour le travail social en tant discipline et profession. En référence à Devries et Manço (2017), ce “vivre ensemble” se définirait par la construction d’ententes réciproques, respectueuses des identités culturelles et ancrées dans la reconnaissance des diversités comme fondement à ladite cohésion sociale. Dans ce contexte, il est suggéré que les acteurs du travail social devrait oeuvrer à soutenir – on pourrait encore dire sécuriser – les individus dans la recherche d’une place dans la société. La diversité apparaît ainsi dans l’appel à contribution à la fois comme une opportunité et un risque par rapport au “vivre ensemble”. La dichotomie en question ainsi que la notion de société en tant que lieu d’intégration et de solidarité semblent aller de soi. Il en va de même du travail social dans sa fonction de faire émerger des adhésions croisées englobantes et inclusives. De ce point de vue, ce n’est probablement pas un hasard que des pionniers de la sociologie comme Tönnies et Durkheim soient mis en avant.<br /><br />Inspirée des travaux de différents auteurs issus notamment de l’anthropologie – Roy Wagner (1981), Marilyn Strathern (2004), Martin Holbraad et Morton Pedersen (2017), Annemarie Mol (2002), Eduardo Viveiros de Castro (2015) ou encore Christopher Gad (2013) – notre contribution vise dans un premier temps à interroger la “taken for grantedness” d’une invention holistique du travail social comme force unifiante, intégrative, inclusive ou encore cohésive. En reprenant les termes de Wagner (1981), qu’est-ce qu’une telle invention tend à masquer? Quels en sont les effets, notamment aussi en termes de (re)production ou de réification de délimitations et de distinctions diverses (inclu/exclu, etc.)?<br /><br />Face à une “politique” holistique du travail social qui vise à relier ce qui est morcelé, à couvrir les champs éclatés de l’individu et de réintroduire ainsi dans des systèmes sociaux ce qui en a été exclu (Soulet, 1997), nous allons tenter, dans un deuxième temps, d’esquisser des “politiques” du travail social qui se veulent délibérément partielles et non comparables à l’image par exemple du Cantor Dust ou du cyborg (Strathern, 2004), qui se déjouent des multiples dichotomies ou autres découpages en domaines que le travailleur social est sensé enacter de par son statut, notamment celles entre professionnel et usager/client/bénéficiaire/demandeur ou savoirs scientifiques (occidentaux) et savoirs populaires (indigènes), en opérant des inversions (de type fond-forme) à l’image des travaux de Viveiros de Castro (2015) et de Wagner (1973 et 1981) ou en déhiérarchisant et “latéralisant” (Gad et Jensen, 2016). Ensemble avec la (ré)invention de l’individu occidental en tant que personne relationnelle, qui consiste à mettre les relations en premier et la personne en tant qu’entité en second (Haas & Marthaler, 2016), nous qualifions ces “politiques” comme “postplurielles” - le terme de postpluriel désignant un certain mode de conceptualisation et d’enaction réflexif qui émerge lorsque le pluralisme se rend compte de son propre mode de (re)production ou de réplication de savoirs, pratiques, etc (Gad, 2013). En mettant à discussion l’idée d’un “compas postpluriel”, nous allons illustrer nos propos à l’aide d’exemples tirés de nos pratiques d’enseignement, de recherche et d’intervention sociale. <br />
Mots clés :
travail social, pluralisme, postpluralisme
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