Une épistémologie politique de la confiance monétaire

Année : 2010

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

SIX Benjamin (Belgique)

Résumé :

Notre proposition présente une réflexion en termes de gouvernance quant aux capacités des structures institutionnelles à assurer un climat de confiance propice au déploiement d'actions collectives répondant de façon efficiente à des enjeux socio-économiques, et plus en particulier à la problématique des crises économiques. Notre hypothèse est que les propositions sur la question monétaire défendues par les conventionnalistes Michel Aglietta et André Orléan, ainsi intéressantes et porteuses soient-elles, en restent à un niveau insuffisant de mise en capacitation collective et de maintien de la confiance sociale. La question du besoin d'une institutionnalisation dans le processus cognitif de construction d'une confiance réflexive est traitée en trois temps, correspondant à autant de niveaux de confiance défendus par diverses théorisations épistémologiques. Alors que le premier niveau présente l'approche fonctionnaliste du choix rationnel de la confiance défendue par le pro-libéral Russell Hardin, le second niveau traite alors de l'affranchissement rationaliste réalisé par le socio-économiste André Orléan, lequel lie de façon intrinsèque monnaie et confiance. Le dernier niveau présente alors la nature du gain réflexif offert en sus par une approche pragmatiste de la question d’une gouvernance démocratique de l’ordre monétaire.

L'ordre économique, par le biais de la finance, cherche à fonctionner en vase-clos alors même qu'il est dépendant de la confiance des acteurs sociaux. Cette importante confiance provient en fait de la puissance du capitalisme à lui répondre de façon fiable par la sécularisation de son propre régime de croyances, fondées sur l'épargne, la marchandisation et la consommation. Et cette confiance est devenue à ce point routinière que même des crises aux retentissements mondiaux, comme autant de preuves de sa faillibilité, semblent à peine l'atteindre : tel le rocher de Sisyphe, après avoir été écrasés dans sa chute, nous sommes convoqués à simplement engager à nouveau notre confiance dans le système économique, puisqu'en dépend son maintien. Pourtant la confiance ne peut pas être instrumentalisée. Ces crises de confiance constituent alors autant d'opportunités de refondation des ordres bancaire et financier. De nombreux efforts réglementaires entrepris depuis la dernière crise économique méritent d’être soulignés, mais il n’y a encore eu aucune mobilisation visant un réel affranchissement des deux impasses institutionnelles de la gouvernance actuelle du système économique, à savoir la résistance des comportements économiques (phénomène de cristallisation des croyances lié au succès passé de stratégies d’interaction capitalistes) et la capture des intérêts (justifiée par les logiques individualiste et patrimoniale).

L’adoption d’une perspective d’épistémologie politique de type pragmatiste nous semble alors la plus apte à assurer la nécessaire révision des croyances néo-libérales, aussi bien en amont qu’en aval de la confiance. Il faut que nous reformulions en acte le sens que nous attribuons à notre pratique collective monétaire, et donc à notre vie en société. Dans cette logique, c’est principalement à un niveau intermédiaire que peut se déployer des relations inter-groupes non réductibles à un intérêt solitaire ou à un programme collectif imposé, et que c’est à ce niveau que peut avoir lieu des expériences de confiance non stéréotypées et déroutinisées. Ainsi, des initiatives telles que celles, locale, de l’ASBL Réseau Financement Alternatif, à celle, globale, du Forum Social Mondial ou de l’enjeu de l’allocation universelle, en passant par les plus radicales, comme le principe des Monnaies Complémentaires Communautaires, nous semble toutes participer de ce mouvement de resocialisation de la monnaie autour de la monnaie.

Mots clés :

Action collective, Crise économique, Rationalisation

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