Les femmes incarcérées et les oppressions\oppresseurs

Année : 2019

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

FLAMAND MARTINE (Canada) – flamand.martine@courrier.uqam.ca

Résumé :

Les oppressions et inégalités sociales que peuvent vivre les femmes incarcérées découlent souvent des narratifs sociaux que la société véhicule. En effet, les narratifs sociaux font en sorte de discriminer et stigmatiser certaines personnes (Freedman & Combs, 1996), et sont à la base du processus identitaire. Ces narratifs sociaux pourraient être décrits comme une « vérité » à des récits. «Ces "vérités" sont "normatives" au sens où elles construisent des normes autour desquelles on incite les gens à façonner ou constituer leurs vies » (White & Epson, 2003 : 20). Elles assujettissent et amènent la docilité et l’enrôlement des gens à l’intérieur d’activités qui ne feront que répondre aux besoins structurels de nos institutions sociales. <br /><br />Si les établissements carcéraux se targuent de promouvoir une réinsertion sociale auprès des personnes incarcérées, la littérature scientifique, ainsi que mon expérience auprès des femmes incarcérées, me laissent croire que plusieurs défis viennent se poser au travers de ladite réinsertion. Les prisons ne réussissent pas à guérir les femmes de la violence physique, psychologique et sexuelle souvent vécue au cours de leur vie. Elles ne permettent pas non plus d’aborder les problèmes sociaux vécus comme la pauvreté, et le sexisme, le racisme qu’elles ont souvent du supporter avant l’incarcération. La prison n’offre pas d’espace pour que la femme criminalisée puisse se raconter ni être entendue. Et ne permets pas à la femme, non plus, d’être elle-même, l’encourageant souvent à adopter une identité qui n’est pas la sienne (Martel, 2006). <br /><br />Amorcé en octobre 2018, mon stage de deuxième cycle en travail social s’est développé pour des femmes incarcérées sous juridiction provinciale. Le but, au départ, était de créer un espace permettant aux femmes de se raconter en toute confidentialité, et de faire sens de leur histoire à l’aide de l’approche narrative. L’idée de cette approche permettrait d'aborder les discours sociaux se situant dans une culture patriarcale réussissant parfois à créer des troubles psychologiques importants. (Mahoney & Daniel, 2006). Nombreux défis au cours du stage m’ont permis de questionner la possibilité de la coexistence au sain d’une même institution les positions différentes des deux services –de justice et social. Est-ce possible d’offrir des services sociaux de qualité à des femmes incarcérées sous juridiction provinciale? <br /><br />Le travail social auprès des femmes incarcérées renferme quelques particularités et peut certainement se compliquer par la structure patriarcale oppressive de la prison (Pollack, 2004; Mahoney & Daniel, 2006). Le travail social peut être exercé parfois difficilement dans le milieu carcéral ; les valeurs du travail social se retrouvent souvent à l’opposé de celles véhiculées dans les établissements carcéraux. <br />Par exemple, la criminologie parle de plus en plus de l’empowerment comme d’un concept intéressant pour ces femmes (Pollack, 2000). Elles sont alors encouragées plus que jamais, par les discours correctionnels, à prendre soin de leur santé physique et mentale. Paradoxalement, il est pratiquement impossible de développer son agentivité en prison puisque celle-ci restreint justement toute expression d’autonomie, de contrôle et de choix (Robert et Frigon, 2006). Les règles institutionnelles ne permettent pas aux femmes d’avoir le contrôle de leurs besoins : impossibilité de choisir sa médecin traitante, de choisir des produits naturels plutôt que des médicaments, difficulté à voir des spécialistes de la santé, à faire respecter la médication prise à l’extérieure, etc. (Robert et Frigon, 2006). En outre, une femme qui refuserait une médication prescrite par le service de la santé pourrait voir ses chances d’obtenir sa libération conditionnelle ou certains privilèges réduits (Chesnay, 2016). <br /><br />Finalement, on peut se questionner sur la meilleure façon de permettre de rétablir le vivre-ensemble lorsque l’oppression des personnes reste au centre de la culture d’un établissement, et même, d’un gouvernement. Mais comment pouvons-nous amener les femmes incarcérées, comme travailleur.ses sociaux.iales, à faire respecter leurs droits, et ne plus souffrir de marginalisation, alors que ces sentiments nous habitent continuellement nous-mêmes, dans un endroit où la sécurité passe malheureusement souvent avant la dignité humaine?<br />

Mots clés :


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