Donnons aux jeunes le pouvoir de vivre leur citoyenneté dans la diversité : Sport et médiation artistique, une expérience libanaise

Année : 2019

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

Khlat TALA (Liban) – talakhlat@gmail.com

Résumé :

Réfléchissons un instant sur certaines questions fondamentales: Les jeunes apprennent-ils aujourd’hui ce que signifie être citoyen et sont-ils conscients de leurs droits et devoirs? Apprennent-ils à défendre des valeurs telles que la liberté, l'égalité et le respect des droits de l'Homme? Ou bien ces «connaissances» sont quasi endoctrinés dans leur tête d'une manière qui inhibe tout questionnement et toute pensée critique? <br />Malheureusement, les gouvernements de la région MENA et surtout celui du Liban, se sont efforcés à éduquer les jeunes de manière à les rendre dociles, mal informés et peu susceptibles de remettre en question toute autorité, qu’elle soit politique, religieuse ou traditionnelle (Carnegie, 2011). Les gouvernements et les partis politiques ont rejeté au fil des années toute réforme radicale de l'éducation afin de garder le monopole sur ce que les élèves apprennent en matière d'éducation civique et citoyenne, d'histoire, de religion et de valeurs (Carnegie, 2011). Le curriculum des écoles néglige les questions sociales, civiques et politiques du moment et en ne faisant rien pour développer l’esprit critique, analytique, la faculté d’évaluation et autres compétences et savoir-faire nécessaires pour bâtir un citoyen. <br />Les résultats de ces politiques sont désastreux. 40% des Libanais perçoivent l'identité communautaire plus importante que l'identité nationale (PNUD, 2016). 40% des Libanais n'acceptent pas des minorités religieuses comme voisins d’habitat, 30% des Libanais n'acceptent pas des minorités raciales comme voisins d’habitat (PNUD, 2016). Le Liban s’est classé au 3ème rang du bas de la liste des pays les plus faibles en compétences civiques. Ainsi à travers les années et surtout récemment, la cohésion sociale est remise en question, la société se fragmente et le refus de l’autre s’ancre de plus en plus chez les jeunes (PNUD, 2016).<br />Comment pouvons-nous contribué à changer cette réalité, pour briser les barrières entre les dix-huit communautés vivant sur ce petit territoire ? Comment pouvons-nous effacer cette peur de « l’autre » chez les jeunes et former des citoyens tolérants, ouverts aux autres, actifs, et capables de créer un changement social? <br />Des études ont montré que l’art et le sport sont des outils puissants pour rapprocher les communautés, établir une relation de confiance, promouvoir une culture de la paix et offrir un débouché en période de conflit (K4D, 2017 ; SIPRI, 2017 ; UNOSDP, 2003). C’est à travers ces outils que les jeunes sont en mesure de renforcer leurs capacités personnelles, sociales et intellectuelles afin de pouvoir participer activement à la transformation de leur environnement.<br />C’est exactement l’approche que l’organisation « Min ila » a voulu piloter. Fondée au Liban en 2013, « Min ila » est une ONG qui vise à promouvoir l'éducation à la citoyenneté, en particulier chez les jeunes marginalisées. Ainsi, un projet pilote a été conçu pour un groupe de jeunes vulnérables de 16 ans. Ces jeunes sont de diverses nationalités (Libanais, Palestiniens et Syriens) et confessions (Chrétiens, Sunnites, Chiites et Druze), et sont scolarisés dans des écoles publiques situées dans trois gouvernorats différents.<br />Ce projet a permis à trente jeunes de s’exprimer et d'explorer pour la première fois de nouvelles activités: la photographie, le street art, le basketball et la cyclisme. De plus, les jeunes ont participer à des discussions avec des activistes autour des problématiques sociales que traversent le pays. Et pour faire participer la société à ce projet, les jeunes ont publiés en ligne les photos prises durant les activités pour inciter le public à écrire des histoires autour de thématiques citoyennes.<br />« C’est la première fois que je rencontre quelqu’un d’une autre religion » réclame un des participants. C’est le cas de la plupart de ces jeunes qui ont vécu leur vie, renfermer dans leur petite ville n’ayant jamais eu la chance de rencontrer des personnes « différentes » et de s’ouvrir au monde. Les jeunes ont vécu leur citoyenneté à travers une expérience qui a permis de briser les barrières culturelles, sociales, politiques et religieuses. Les jeunes ont réfléchis ensemble sur la notion de la citoyenneté et ont se sont posé des questions autour des facteurs et des expériences qui ont façonné leur perceptions vis-à-vis de « l’autre », de leur communauté et de leur pays. Ainsi, cette expérience a déclenché chez les jeunes des questionnements et un esprit critique sur le sens de leur citoyenneté, de leur appartenance, de ce qu’ils ont appris à l’école, à la maison.<br />Nous avons tiré quelques leçons que nous aimerions partager avec la communauté de praticiens et de chercheurs. La plus important étant que la citoyenneté se vit et ne s’apprends pas, elle se réfléchit et ne se claque pas. La deuxième conclusion est le fait que l’école et la famille ne contribuent pas à l’éducation citoyenne de leurs enfants, au contraire, ils ancrent davantage la division confessionnelle hérité suite à la guerre civile. <br />Est-il préférable d’intégrer de telles pratiques dans le système d’éducation formel? Les jeunes ont-ils changer radicalement ce qu'ils ont absorbé de leur environnement? Les jeunes d'aujourd'hui seront-ils de meilleurs ambassadeurs de la citoyenneté? Des questions auxquelles cette communication se propose d’aborder, soutenu par un documentaire ainsi qu’un témoignage d’une personne accompagné qui a participé au projet.

Mots clés :

Citoyenneté, Education tout au long de la vie, Cohésion sociale, Education à la citoyenneté, jeunesse, art, sport, vulnérabilité

← Retour à la liste des articles