DE LA CONVIVENCE CONTRAINTE AU VIVRE ENSEMBLE
Année : 2019
Thème : :<br />Milieu éducatif contraint et quête de sens en adolescence<br />
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
TOUIL Ahmed-Nordine (France) – touil.ahmed-nordine@ireis.org
Résumé :
Cette proposition s’inscrit dans le prolongement d’un travail de thèse soutenu en décembre 2018 en sciences de l’éducation. Cette dernière s’intéresse aux ressorts visibles et/ou invisibles mis en œuvre dans les interactions entre adolescents et adultes, au sein d’institutions qui se veulent alternatives à l’incarcération (Centre Éducatif Renforcé., Centre Éducatif Fermé). <br />En se focalisant sur des individus aux relations sociales altérées, ce travail de recherche ethnographique ambitionne de traduire la façon dont des jeunes en souffrance, pour lesquels l'autorité des interdits est désagrégée, parviennent à mettre en échec tout projet qui vise à les inscrire ou ré-inscrire dans un « faire-société ». Épousant les bords, se nourrissant dans la marge, expérimentant dans les passages à l’actes répétés et déviants leur relation au monde (A. Rosa), ils tendent à développer une forme d’altération de l’empathie (O. Zanna). Une question fondamentale se pose : comment réinscrire dans un « être ensemble » des sujets qui ont choisi de ne laisser s’exprimer qu’une toute puissance de leur ego et une forme de mépris de l’autre ? <br />Parvenant parfois à laisser penser qu’aucune instance n'est en mesure de dicter leurs conduites, se percevant pour certains comme disqualifiés (S. Paugam), sans valeur, « inutile au monde » (R. Castel), s’éprouvant comme désaffiliés, ils se vivent comme exclus d’eux-mêmes. Cette forme d’exclusion fait de chacun d’entre eux un adolescent qui se situe à la fois hors la loi et hors de soi. La quête de sens et de contenance qui semble animer ces derniers en conduit certains à rechercher une nouvelle enveloppe, une nouvelle famille, une nouvelle communauté, quitte à s’inscrire dans des conduites à risques (D. Le Breton) qui se muent parfois en projets mortifères. Sur un autre aspect, l’espace religieux s’offre à certains comme espace d’ancrage ou de rattachement. Quelques-uns sont en effet « (…) mus par le désir, parfois l’urgence, de s’enraciner ou de se ré-enraciner dans le ciel, à défaut de le pouvoir sur terre. » . Comment dès lors restaurer l’empathie qui leur fait tant défaut et les ré-ammarer ainsi au navire du « vivre-ensemble » ?<br />Parce que, « « Tout, dans la vie, dépend de la qualité de notre relation au monde, c’est-à-dire de la manière dont les sujets que nous sommes font expérience du monde et prennent position par rapport à lui, bref de la qualité de notre appropriation du monde.» , des professionnels parviennent, via des pratiques « contrebandières » et une dynamique incarnée de la dynamique du Don (M. Mauss) et de la réciprocité (M. Chabal et D. Templ), à inscrire ces adolescents dans des modes d’échanges, de partages, officiels ou à la marge du cadre contraint. <br />L’intervention sociale démontre ainsi qu’en mobilisant des modalités opératoires d’ajustement, en favorisant le partage du sensible (J. Libois) et des émotions, sa capacité à permettre à des adolescents de renouer avec eux-mêmes, avec et par les autres. <br />Sur un autre aspect et dans un contexte où la rationalisation et la « quantophrénie » (Vienne Philippe) s’invitent comme référentiel dans le champ éducatif et social, de nombreux évènements en France et ailleurs témoignent du fait qu’un projet de société se doit de remettre en son cœur le sujet, le citoyen et les valeurs d’humanité. Faute de quoi, celles et ceux qui ne se perçoivent plus avec risque de se retourneront contre.
Mots clés :
Lien social, Exclusion, Quête du sens, Adolescents délinquants
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