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L’accueil des mineurs non accompagnés, où comment la notion de risque est questionnée dans sa dimension culturelle par les postures professionnelles et pratiques institutionnelles en protection de l’enfance.

Année : 2019

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

MAZAEFF Chantal (France) – c.mazaeff@praxis.alsace

Résumé :

Nous choisissons d’interroger les pratiques professionnelles et institutionnelles dans le cadre de l’accueil des Mineurs non accompagnés (MNA) au sein des dispositifs de protection de l’enfance, afin d’appréhender les aptitudes qu’auraient les milieux de pratiques (professionnels et organisations) à promouvoir un agir professionnel engagé.
Les professionnels qui interviennent dans ce champ fondé sur la notion de protection sont dorénavant amenés à rencontrer fréquemment ce public des MNA encore « inédit » il y a moins de dix ans. Majoritairement âgés de 15 à 18 ans, ces adolescents, voire jeunes adultes lorsque des mesures de prolongation sont promulguées, sont pris en charge par des services et professionnels qui tentent au quotidien de trouver des solutions pour les besoins primaires, alors que les structures sont débordées et ne permettent plus de proposer des réponses « classiques » face à la massification de cette nouvelle catégorie de public. En effet, la forte montée en charge des MNA au sein de l’Aide sociale à l’enfance amène ces services et professionnels à poser des actes qui frôlent l’extra-légalité, prises de risques nécessaires au vu des contraintes insolubles face auxquelles les professionnels et décideurs se trouvent pour inventer des réponses au quotidien. Les pratiques professionnelles que nous avons pu observer (Inspecteurs de l’ASE et éducateurs spécialisés) sur un territoire donné nous ont permis de constater que ces acteurs de terrain innovent en permanence pour proposer des réponses aux besoins des jeunes accueillis. Cette disposition implique une culture du risque de la part des professionnels, entendu comme un espace de créativité et non réducteur, ainsi que pour les organisations, sommées d’inventer de nouvelles réponses au risque de participer à l’exclusion de cette population. Les professionnels chargés de procéder aux évaluations de minorité, puis d’accompagner les mineurs, en guise de réponse au risque, s’appuient également sur les compétences des MNA, peu mobilisées classiquement dans ces espaces d’intervention de la protection de l’enfance.
Dans ce contexte, les Conseils départementaux en tant qu’acteurs centraux du processus, tant au niveau structurel et financier que pour ce qui concerne les pratiques professionnelles, conduites par leurs agents ou par des acteurs associatifs, peuvent se contenter d’appliquer la loi ou la « déborder » pour soutenir les processus d’intégration de ces jeunes. Il en va de même pour l’appel à des familles bénévoles ou les initiatives citoyennes qui participent d’un meilleur vivre ensemble pour ces jeunes MNA bien souvent totalement isolés, avec comme seul soutien leur groupe de pairs.
Deux problématiques émergent de cette interpellation. Les professionnels sont parfois en difficulté avec ce public aux références culturelles différentes, marqué par une histoire singulière, doté de compétences spécifiques liées aux parcours de la migration. Si cette expérience du risque issue de leur trajectoire les ayant conduits en France, est prise en compte par les professionnels, les MNA étant présupposés être en capacité de faire preuve immédiatement d’autonomie, elle l’est au mépris des troubles identitaires ou tensions liées au travail que les MNA réalisent pour faire face à un environnement inconnu et s’en accommoder (Teyssier et Denoux, 2013). Différents modèles et postures professionnelles sont mis en évidence (Bolzman, 2009) lorsqu’il s’agit d’entrer en relation avec ces jeunes mineurs, aux effets plus ou moins porteurs. Il nous apparait nécessaire là de soutenir les professionnels à se décentrer (Cohen Emerique, 2011) tout en valorisant les compétences issues de l’expérience vécue par les jeunes. Du point de vue institutionnel, l’afflux important de jeunes MNA oblige les institutions à sortir des cadres règlementaires classiques en protection de l’enfance, pour trouver des réponses qui garantissent la sécurité et le bien être des jeunes accueillis (ONED, 2017). Là encore, les références culturelles sont réinterrogées, la notion de risque est dépassée au profit de l’innovation voire de la créativité (Breugnot, 2010). Au cœur de ces deux axes, une notion est fortement questionnée, l’appréhension culturelle du risque, que nous évoquions les risques auxquels sont confrontés les jeunes selon les conditions où ils vivent ou selon leurs origines, que la position des institutions qui vont prendre en compte la notion de protection et de danger de manière différente pour ce public. Si évoquer la dimension culturelle du risque ne fait pas discussion pour ce qui concerne les relations entre jeunes et professionnels, la poser dans la dimension institutionnelle de la prise en charge des MNA ne va pas de soi.

Mots clés :

Interculturel, Intervention sociale et travail social, Risque

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