Le travail social face aux technologies de l’information et de la communication
Année : 2010
Thème : Les enjeux d’une intervention d’inclusion numérique
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
PULZER Noémie (Suisse)
REY-BAERISWYL Marie-Claire (Suisse) – rey-baeriswyl@bluewin.ch
COLOMBO Annamaria (Suisse) – annamaria.colombo@hefr.ch
Résumé :
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) prend de plus en plus de place dans des domaines tels que le travail et la vie quotidienne. Certains auteurs interrogent le fonctionnement de cette société de l’information où les TIC sont considérées comme « des outils nécessaires pour accéder au savoir et à l’information » (Fassa, 2002 : 134), alors qu’une part non négligeable de la population n’utilise pas ou peu ces technologies.
Le travail social, au travers notamment des logiques qui portent les institutions sociales à se préoccuper des personnes et groupes en situation de vulnérabilité, peut-il rester critique face à cette société de l’information, tout en articulant les contraintes de ce contexte en mutation et les besoins des acteurs concernés? Dans la perspective du travail social envisagé comme une médiation, contribuant à assurer une fonction de « passeur » entre des mondes divers (Knüsel et al., 2003), l’intervention sociale peut-elle avoir pour objectif de rendre les TIC plus accessibles à tous-tes ?
Aborder les enjeux du positionnement du travail social face aux TIC nécessite de comprendre la « fracture numérique » (FN), terme utilisé pour décrire les inégalités en matière de TIC. La FN est souvent liée à d’autres formes d’inégalités, elle est complexe et nécessite d’être abordée de manière multidimensionnelle (notamment Vodoz et al., 2005 ; OFS, 2008). Pour l’appréhender, il est indispensable de prendre en considération non seulement les inégalités d’accès au matériel (fracture de premier degré), mais également les inégalités d’usages (fracture de deuxième degré) (Hargittai, 2002).
Cette communication se propose de poser différents jalons pour élaborer une réflexion sur les enjeux d’une intervention d’inclusion numérique (IN) à partir d’une étude de faisabilité mandatée par le Groupement fribourgeois qui regroupe plus de 100 institutions sociales (GFIS). Basée sur l’analyse du fonctionnement du programme d’IN « Joker Vaud », complétée par une revue de littérature ainsi qu’une recension des différents modes d’intervention d’IN envisageables, elle a permis, en s’appuyant et sur la sociologie des organisations et sur une réflexion collective guidée avec les acteurs institutionnels concernés, de mettre en lumière les paramètres essentiels à prendre en compte dans le processus de décision indispensable en vue de la mise en place d’un projet.
L’étude menée a identifié plusieurs enjeux associés à une intervention d’IN également relevés par la littérature. Des risques liés à l’utilisation des TIC par des personnes en situation de vulnérabilité sont mentionnés : pour celles qui n’en font pas une utilisation socialement valorisée (Granjon, 2009) un sentiment d’incompétence semble se renforcer.
De plus, selon la posture théorique adoptée face à la FN (Rallet& Rochelandet, 2004), les modes d’intervention seront différents:
-Si la FN est considérée comme une inégalité supplémentaire, des interventions spécifiques sont alors être envisagées pour la combattre. Cette vision est critiquée par certains auteurs, dont Guichard (2010 : 23), qui va jusqu’à remettre en question l’existence de la FN, qui, serait utilisée avant tout « pour convaincre de l'inéluctabilité du néolibéralisme ».
-Si la FN est envisagée telle que découlant des autres inégalités, une intervention d’IN va pouvoir s’inscrire dans n’importe quelle intervention agissant sur d’autres inégalités et problèmes sociaux (en facilitant l’accès à l’emploi, à des ressources informatives, matérielles, en renforçant ou créant des liens sociaux, etc.). L’étude menée a montré que différents objectifs (intégration sociale, développement durable, (ré)-insertion professionnelle, socialisation, prévention) peuvent être associés à une intervention d’IN (Rey-Baeriswyl et al., 2009). Ces objectifs peuvent même être prioritaires par rapport à l’IN ; l’utilisation des TIC devient alors un instrument ou un prétexte plutôt qu’un objectif d’intervention.
Mots clés :
Intégration, Modernisation, Intervention sociale et travail social, Inclusion numérique - Société de l'information
← Retour à la liste des articles