Construction identitaire, éducation et revendication : comment les organismes communautaires parviennent-ils à diffuser leurs innovations sociales ?

Année : 2019

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

JETTE Christian (Canada) – christian.jette@umontreal.ca
BERGERON-GAUDIN Jean-Vincent (Canada) – jvbgaudin@yahoo.ca

Résumé :

L’apport des organismes communautaires à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques sociales au Québec est une réalité historique connue et bien documentée (Jetté, 2008). Considéré par plusieurs comme l’une des caractéristiques du modèle québécois, ce phénomène a surtout été étudiée sous sa dimension politique, en examinant les rapports de force et la capacité des acteurs sociaux à négocier des arrangements institutionnels leur étant favorables. Utilisant les concepts d’innovation sociale (Lévesque, Fontan et Klein, 2014; Ayob, Teasdale et Fagan, 2016) et de travail institutionnel (Lawrence et Suddaby, 2006; 2009; Slimane et Lecas, 2010), notre présentation s’intéresse aux dimensions normative et cognitive du phénomène. Notre présentation s’appuie sur une comparaison entre trois pratiques novatrices qui ont été développées par des organismes communautaires dans les secteurs de la santé et des services sociaux et du logement et qui ont fait l’objet d’un processus d’institutionnalisation. <br /><br />Le premier cas renvoie à la Gestion autonome de la médication (GAM) qui s’inscrit dans un contexte marqué par la prédominance de l’approche bio-médicale dans les services en santé mentale (Jetté et al., 2019). Issue des milieux communautaires et alternatifs, la GAM est une pratique novatrice qui s’appuie sur la parole des personnes concernées par ces services. La GAM vise l’atteinte d’une gestion de la médication adéquate, qui tient compte des aspects physiques et symboliques qu’elle implique, en mettant au premier plan la personne dans ce processus. <br /><br />Le deuxième cas rend compte d’une pratique d’un organisme communautaire (Carpe Diem) qui innove sur le plan de l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, en s’éloignant de la perspective traditionnelle de soins pour considérer la personne dans sa globalité (Carpentier, Bergeron-Gaudin et Jetté, 2013). L’organisme propose une épistémologie alternative de l’intervention fondée sur la dignité de la personne, sur la possibilité d’un contact relationnel pleinement vécu et sur la participation des personnes atteintes au fonctionnement de leur milieu de vie. <br /><br />La troisième étude concerne le logement social avec soutien communautaire, une pratique qui recouvre un ensemble d’actions qui peuvent aller de l’accueil à la référence, en passant par l’accompagnement auprès de services publics, la gestion des conflits entre locataires, l’intervention en situation de crise, l’intervention psychosociale, le support au comité de locataires et aux autres comités et l’organisation communautaire (Bergeron-Gaudin et Jetté, 2019).<br /><br />Dans les trois cas, ce processus a été reconstruit à partir d’une série d’entretiens individuels semi-dirigés (n=45) et d’une collecte documentaire. Sur le plan normatif, l’analyse montre que l’institutionnalisation des pratiques des organismes communautaires dépend d’une part, de la capacité des groupes promoteurs à développer un réseau d’alliance autour de leur approche et d’autre part, de la façon dont ces groupes promoteurs construisent leur identité à travers leurs pratiques. Sur le plan cognitif, le travail de théorisation et d’éducation exercé par les organismes pour diffuser leur approche apparaît également comme une dimension centrale du processus d’institutionnalisation. Enfin, notre étude montre comment le travail de représentation politique des organismes communautaires auprès de l’État est indissociable du travail normatif et cognitif réalisé en amont. Notre analyse permet ainsi faire avancer la réflexion sur les rapports entre l’État et les organismes communautaires, ainsi que sur les sources de changement institutionnel dans l’évolution des politiques sociales.

Mots clés :


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