Vivre ensemble dans la mixité comme facteur d’inclusion : le cas d’un « habitat intergénérationnel »
Année : 2019
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
PETIAU Anne (France) – anne.petiau@buc-ressources.org
Résumé :
Nous proposons, dans cette communication, de nous intéresser à une expérimentation sociale qui met au cœur le vivre ensemble dans la mixité, en identifiant celle-ci comme un levier pour l’insertion sociale et économique des populations pauvres ou affectées par des processus d’exclusion. La mixité est un objectif central des politiques publiques en faveur du logement et de la ville, renvoyant cependant à des critères (économique, ethnique, générationnel, etc.) et des conceptions plurielles et pas toujours explicitées (Bacqué, Fol, 2008). Dans les années 1990-2000 se développent de nouveaux projets « d’habitats intergénérationnels » et « solidaires » qui misent sur la mixité entre les âges, l’entraide et le « vivre-ensemble » pour répondre aux défis de l’inclusion des personnes âgées et des jeunes (Labit, 2013). Nous nous intéressons plus particulièrement à l’ouverture par une association d’une « maison intergénérationnelle » réunissant une « maison relais » (dispositif de logement social en faveur des personnes en situation de grande exclusion, prévoyant la présence d’un intervenant social et un soutien par l’animation d’une vie collective) et des logements sociaux classiques, peuplés avec un souci de mixité sur différents critères : âge, niveau de revenus (par l’intermédiaire de la diversification des catégories de logements sociaux), statut d’occupation (pérenne ou temporaire via des « logements tremplins »).<br />Notre communication sera centrée sur la recherche-action (Greenwood & Levin, 1998) que nous menons depuis le début de l’année 2018 avec les différentes parties prenantes de ensemble résidentiel, lui-même ouvert depuis l’année 2016 : l’équipe salariée, les bénévoles, les résidents de la maison-relais, les locataires du logement social. Cette recherche, d’une durée totale de trois ans et aujourd’hui à mi-chemin, s’appuie sur un dispositif méthodologique couplant observation, entretiens semi-directifs et réunions de groupe avec des volontaires représentant les différents profils concernés. Nous restituerons nos premiers résultats afin d’investiguer comment ce vivre ensemble dans la mixité est vécue « sur le terrain » par les premiers concernés, c’est-à-dire les habitants. Constitue-t-il un levier vers l’autonomie, comme l’espère l’association, ou risque-t-il de générer des processus d’exclusion et de marginalisation ? Le vivre-ensemble, dans cet ensemble résidentiel, est animé et soutenu par une équipe bénévole et salariée, au travers de temps conviviaux et d’activités. Un petit groupe d’habitants est assidu et y trouve soutien et sentiment d’inclusion. Cependant, en décalage avec le projet et l’adhésion unanime à l’idéal de mixité, on observe que des stratégies d’entraide et d’amélioration des conditions de vie se déroulent dans l’informalité, et entre pairs, notamment entre les locataires du logement social et les résidents de la pension de famille, entre les hommes et les femmes. La mixité tend à renforcer les conduites de distinction et de stigmatisation, processus bien documentés par la littérature (Charmes & Bacqué, 2016), qui touche ici plus particulièrement les résidents de la pension de famille et les personnes porteuses de handicaps psychiques. De même, elle peut déconsidérer et fragiliser les pratiques et modalités populaires d’entraide en plaçant comme modèle du lien social et de vie culturelle celui des couches moyennes et supérieures (Bacqué & Simon, 2001), représentées notamment par l’équipe bénévole. L’accompagnement de la mixité par l’équipe bénévole et salariée produit également une injonction paradoxale, entre promotion de la participation et encadrement serré voire empêchement de l’autonomie collective et des initiatives, pour diverses raisons (budgétaire, sécurité, organisation hiérarchique). Tandis que l’association tente de construire un vivre-ensemble dans la mixité, un vivre-ensemble spontané entre membres de groupes sociaux plus homogènes semble ainsi le déborder de toute part, générant une expérience résidentielle entre étayage et tensions.
Mots clés :
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