Le praticien réflexif en travail social : Entendre l’invisible pour rendre visible la parole
Année : 2021
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
MICHEL claire (France) – clairemichel0303@gmail.com
Résumé :
Doctorante en Sciences de l’éducation, nous nous intéressons à l’incidence des surdéterminations sociales et culturelles sur les individus, au processus de subjectivation favorisé par l’écoute clinique, ainsi qu’à la place accordée à la réflexivité au sein du dispositif de formation en travail social. <br />En effet, assistante de service social de formation, nous confirmons, par la démarche scientifique lors de notre reprise d’études universitaires, que de prendre en compte les dimensions sociales dans la relation d’aide n’est pas un allant de soi. Or, cet impensé laisse place à des interprétations à forte dominance psychologique, alors que la société contemporaine fait déjà peser sur ses individus, la responsabilité de leur condition en les sommant d’être autonomes et acteurs de leur vie.<br />Aujourd’hui formatrice au sein d’un IRTS, nous réalisons à quel point le travailleur social s’appuie principalement sur une clinique du regard, regard déterminé par des attentes et des référentiels institutionnels. <br />Dès lors, l’accompagnement socio-éducatif devient un outil de normalisation avec pour perspective la rééducation de la personne accompagnée, ou tout du moins sa responsabilisation, ne permettant ni l’écoute complexe ni la prise en compte des liens qui existent entre histoire de vie et empêchements.<br />Quelle place est alors accordée à la parole dans le travail social ?<br />Selon Lacan, « l’inconscient est structuré comme un langage ». L’écoute compréhensive et clinique, permettrait d’entendre la souffrance sociale à laquelle font face les publics fragilisés, de rendre visible les injustices sociales, de comprendre l’individu contemporain et donc de lui accorder une place en rendant audible ce qui est inaudible, visible ce qui est invisible. Rôle du travailleur social nous semble-t-il, que de permettre le déploiement de la parole alors que, comme le souligne Lacan, « la parole pleine est celle qui forme la vérité » (1975, page 152).<br />Même si un large consensus existe aujourd’hui sur la nécessité de former des « praticiens réflexifs », cette injonction s’inscrit dans le cadre de réformes qui transforment les dispositifs de formation, sans qu’il soit certain que ces dernières facilitent le travail de réflexivité attendu. Dès lors, il s'agit davantage d'une prescription qu'un réel accompagnement à travers une analyse socio-psychique.<br />Pourtant, si l’on reprend, de manière analogue, la remarque de Pierre Bourdieu « on devrait s’interdire de faire de la sociologie… sans faire préalablement ou simultanément sa propre socio analyse » (1984, pages 79-80), comment le travailleur social peut-il favoriser la parole et entendre la personne accompagnée si lui-même n’a pas fait ce travail réflexif ?<br />Favoriser le dialogue, dans les pratiques d’intervention sociale, nécessite que le travailleur social ait lui-même conscience de l’articulation des déterminismes sociaux et des déterminismes psychiques dans sa trajectoire personnelle pour comprendre celles des publics qu’il sera amené à accompagner.<br />Ce détour réflexif nous semble pouvoir constituer un outil de développement pour une meilleure compréhension des manières d'être d'autrui et donc de donner la parole aux souffrances. <br />Cependant, la réflexivité n'est pas un savoir que l'on transmet alors qu'il s'agit d'appréhender, au moins pour partie, la question de l'inconscient.<br />Nous souhaitons explorer la manière dont les approches biographiques pourraient soutenir le processus de réflexivité chez les travailleurs sociaux favorisant alors leur posture clinique. L’aide proposée aux personnes accompagnées aurait donc pour approche celle de donner du sens à leur trajectoire singulière afin de les soutenir dans leur processus de subjectivation.<br />Nous proposons donc pour cette communication de revenir sur les écueils que rencontre le travail social aujourd’hui favorisant davantage l’injonction à être autonome que le processus de subjectivation. Dès lors, nous interrogerons la place accordée à la parole par le travailleur social. Parole qui, pourtant, est à la fois un outil de vérité, de normativité, mais aussi de réflexivité.
Mots clés :
surdéterminations sociales, clinique, approches biographiques
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