RÉMION christophe (Belgique) – christophe.remion@vinci.be

La « professionnalisation » constante du métier d’éducateur spécialisé rend toujours plus incontournable la nécessité de communiquer, notamment, par le biais de l’écriture. Quatre années de réflexions en équipe dans le département des éducateurs spécialisés en activités socio-sportives à la H-E Vinci et un mémoire réalisé dans le cadre d’un master viennent confirmer que les éducateurs rencontrent des difficultés dans la mise à l’écriture, alors même que les écrits deviennent chaque jour de plus en plus exigibles. Différents constats (Rémion, 2019 : 34-38) d’ordre institutionnel, personnel, relationnel et organisationnel viennent encore freiner cette mise à l’écrit et ne permettent pas assez aux éducateurs de « rendre visible l’invisible », notamment, en participant efficacement à la co-écriture des rapports liés aux suivis des bénéficiaires dont ils ont la charge. Cette situation laisse dès lors le champ de l’écriture ouvert à d’autres professions (les psychologues et les assistants sociaux notamment) pour rendre compte des situations « à la place » des éducatrices et éducateurs.<br />Dans le secteur de l’Aide à la jeunesse dont il est question dans notre étude, les écrits contribuent à dessiner les trajectoires des bénéficiaires sur la base des rapports qui les concernent. À ce titre, les apports de l’éducateur à leur rédaction est essentielle. Or, notre étude met notamment en évidence qu’il subsiste encore de grandes disparités dans les lieux, les moments et les conditions réservés aux éducateurs pour cette activité, mais aussi de grandes différences dans le rapport à l’écrit selon les institutions. Il apparaît par exemple que la majorité des rapports des éducateurs sont encore relus, voire transformés par d’autres professionnels avant envoi. Cette situation donne alors l’impression aux éducateurs d’être dépossédés de leurs écrits. Pour Christian Gauffer (2017 : 73), « Les corrections peuvent aboutir à ce que les éducateurs ne fassent plus que des brouillons ». Dejours (2013 : 7), appuie ce constat en indiquant que cette situation peut affecter « profondément les travailleurs de l’éducation spéciale en les amputant de la valorisation de leur travail, en les dépossédant de ce sentiment fondamental du travail bien fait et au bout du compte en les coupant de leurs capacités à produire le sens de l’action ». Il ajoute que (Ibidem : 17) cette « dévalorisation constitue un des ressorts de la souffrance au travail ». La place et la reconnaissance de l’éducateur (Honneth, 2000) ont donc également une influence sur son rapport à l’écriture et au sens à lui donner et, partant, sur sa motivation. L’écriture du rapport devrait se faire en général en co-construction, en collaboration avec d’autres professionnels. Gauffer (2017 : 46) insiste sur cette condition essentielle et nécessaire : celle de l’authenticité et du sens de la démarche. <br />Les conditions d’écriture, la façon dont les éducateurs sont soutenus dans ces tâches d’écriture, mais aussi les représentations qu’on les éducateurs de leurs tâches d’écriture sont au cœur de la thématique proposée au congrès. Au vu de ces observations, la H-E Vinci a réuni, le 19 novembre 2021, 150 professionnels du champ de l’Aide à la Jeunesse (éducatrices et éducateurs ; assistants sociaux; intervenants psychosociaux, autorités mandantes, directeurs d’institutions,…), des enseignants et formateurs, ainsi que des étudiants futurs éducateurs à partager un moment de réflexion collectif sur les enjeux de l’écriture dans les pratiques des éducateurs spécialisés. L’objectif premier de la journée visait à examiner ces difficultés, à prendre acte des évolutions, et à élaborer collectivement des perspectives concrètes d’amélioration. La journée a ainsi permis de confirmer les réalités exprimées supra, mais aussi, de poser des constats complémentaires et de proposer des recommandations concrètes pour faire évoluer la situation existante. Ce sont ces constats et ces recommandations qui seront présentées.<br />

Secteur social, Bénéficiaire, Ingénierie sociale, Éducateur spécialisé