L’usager-expert dans les pratiques quotidiennes favorables à la transition écologique : le travail social interpellé

Année : 2021

Thème : Axe 2

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

Morange Arnaud (France) – amorange@irtsnormandiecaen.fr

Résumé :

Le travail social et ses publics peuvent-ils contribuer à une « transition écologique » devenue, en urgence, l’affaire de tous et du siècle ? Dans une recherche financée par l’Agence pour les économies d’énergie (ADEME), depuis ma place de chercheur au sein d’un Institut Régional du Travail Social, j’avais mis à l’épreuve l’hypothèse du politologue Paul Ariès (2015) selon laquelle les milieux populaires disposeraient en propre d’une culture du non-gaspillage et d’une rationalité propice à la préservation de l’environnement (Morange, 2020). Si toutes les hypothèses d’Ariès n’ont pas été validées, il apparaissait que les publics vulnérables n’étaient moins sensibles aux problématiques environnementales que la population générale et agissaient souvent de manière plutôt vertueuse au titre de l’écologie. La question s’est alors posée de savoir dans quelle mesure ces pratiques n’étaient pas uniquement dictées, en réalité, par la nécessité. J’ai alors identifié des « pratiques héritées », des « systèmes de débrouille », un certain « bon sens », un « éthos ouvrier » selon Schwartz (1990) (et applicable aussi au monde paysan), qui ne relevaient pas strictement des impératifs de survie matérielle. Plus encore, j’ai observé une certaine « conscience écologique » qui se manifestait chez certains par des actions de rationalisation de leurs pratiques domestiques et de leurs activités. Les questions de la santé et de la transmission filiale (« quel monde vais-je laisser à mes enfants ? ») se révélaient par ailleurs moteurs de ces actions. Autrement dit, il existe bien un « écologisme des pauvres » (Martinez Alier, 2014), quand bien même il est sous-tendu par des situations de dénuement. Contrairement aux théories du mimétisme (Veblen, 1899), les personnes que nous avons interrogées indiquaient un faible désir de consommation. Celui-ci se limite le plus souvent à l’achat de biens et de services de première nécessité, et à la quête d’un équilibre matériel juste suffisant pour bénéficier d’une certaine qualité de vie. Majoritairement, nos répondants définissaient cette qualité de vie à travers la valeur travail, socle de l’insertion sociale dans nos sociétés (Castel, 2003 ; Paugam, Duvoux, 2013). Notre étude a également mis en avant des initiatives de formateurs et professionnels du travail social menées avec des publics défavorisés (jardins partagés, disco-soupes, collectes, réparation et valorisation d’objets et de vêtements, mutualisation de compétences et de services…) et contribuant à vivifier la sociabilité des personnes et leur estime d’eux-mêmes. Certaines de ces initiatives allant jusqu’à « la recherche participative des usagers » (Jaegger, 2014). Partout émergent des initiatives de ce type, individuelles et communautaires, qui dessinent une tendance vers un mieux-être compatible avec la préservation des milieux et la reproduction des sociétés (Berlan, 2021 ; Pruvost, 2013). Ces actions ne constituent pas un mouvement de fond, et encore moins un grand réagencement des sociétés à économie de marché, mais nous pensons utile d’en mesurer la densité, notamment dans le champ du travail social et de ses formations. Ces formes de réhabilitation des publics en difficulté associant étudiants et professionnels du social sont inégalement présentes et se situent souvent en marge des formations et des pratiques institutionnelles. Contrairement à d’autres pays, les formations en travail social intègrent peu les problématiques environnementales entendues au sens large (Deléage, 1991), alors que les usagers sont eux attentifs à ces questions en dépit de leurs difficultés. <br /><br />Cette communication vise à faire le point sur la place des problématiques environnementales au sein des formations en travail social en Europe et en France en particulier, dans la continuité de notre étude pour l’ADEME et à partir d’une recension en cours auprès de collègues européens (groupe : Ecosocial work in social work education d’EASSW) avec lesquels nous travaillons les articulations entre travail social et transition écologique (Matthies, 2019 ; Rambaree, 2020 ; Rocha, 2018). Nous postulons que les publics de l’intervention sociale peuvent être tout autant les acteurs de la transformation écologique de nos sociétés que la population générale (Latouche, 2006), pour autant que les formations en travail social accompagnent également ce mouvement. <br />

Mots clés :


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