Des recherches-action pour comprendre et accompagner la parentalité : encouragement à la participation ou renforcement de la stigmatisation ?

Année : 2021

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

COLOMBO Annamaria (Suisse) – annamaria.colombo@hefr.ch

Résumé :

Cette communication propose une réflexion à partir de deux recherches-action réalisées auprès de parents en Suisse. La première, réalisée de 2014 à 2016, visait à mieux comprendre les enjeux et besoins d’accompagnement de mères en situation de toxicodépendance (Colombo et Fontannaz, 2016). La deuxième a été réalisée entre 2020 et 2021 auprès de pères solos, c’est-à-dire des pères élevant seuls leurs enfants, dans le but de concevoir une offre de séjour pères-enfants répondant à leurs besoins (Colombo et Geiser, 2021). <br /><br />Conçues toutes deux de manière participative, ces recherches poursuivaient l’objectif de mieux comprendre les besoins et défis vécus par ces parents (dimension recherche) pour pouvoir mieux les accompagner dans leur parentalité, tout en soutenant ou encourageant leur mobilisation (dimension intervention). La première recherche a permis de récolter les points de vue de cinq mères en situation de toxicodépendance, rencontrées lors de deux focus-groupes, ainsi que ceux de 18 professionnel-le-s accompagnant les parents et/ou les enfants concernés dans une perspective sociale, médicale ou encore juridique. Six pères ont été rencontrés dans le cadre de la deuxième recherche, ainsi que 12 professionnel-le-s qui les accompagnent, dans le cadre d’entretiens semi-dirigés individuels ou collectifs. <br /><br />Les résultats de ces deux recherches mettent en lumière les nombreux défis auxquels se trouvent confrontés ces parents, qui doivent composer avec la tension de vouloir s’investir dans leur rôle parental, mais de ne pas toujours se reconnaître ni être reconnu∙es dans ce rôle. Pour les pères solos, les représentations sociales genrées de la parentalité qui considèrent les tâches parentales comme relevant essentiellement de la responsabilité des mères, constituent un obstacle important à l’appropriation de la place de père. Or, d’autres représentations sociales peuvent aussi entraîner des attentes importantes face aux mères. Par exemple, aux yeux de plusieurs professionnel∙es, la toxicodépendance semble incompatible avec la parentalité et la garde de leurs enfants est encore souvent retirée aux mères concernées. <br /><br />Ces représentations sont à situer dans le contexte de l’intérêt accru accordé au soutien à la parentalité dans nos sociétés occidentales depuis le début des années 2000. Le développement des « compétences parentales » ou « habiletés parentales » (Sellenet, 2009 ; Karsz, 2014) se base sur l’idée que plusieurs difficultés comprises jusque-là essentiellement comme des troubles de comportement des enfants (conduites à risque, troubles psychiques, etc.) peuvent s’expliquer par des défaillances du lien parental (Lamboy, 2009 ; Neyrand, 2013 ; Karsz, 2014). Dans ce contexte, des formes de parentalités sortant du schéma familial « classique », comme les pères solos ou les mères en situation de toxicodépendance, peuvent susciter des inquiétudes de la part des professionnel∙es. Si les mesures prises visent souvent à assurer la protection des enfants, elles contribuent aussi à stigmatiser ces parents, considérés comme ayant des « lacunes liées aux habiletés parentales » (Ferland et al., 2013).<br /><br />Dans ces deux projets, le défi de la participation des parents s’est posé, avec notamment l’hypothèse que l’implication des personnes dans les projets les concernant contribuerait à lutter contre les différentes formes de stigmatisation dont elles et ils font l’objet. Or, l’implication dans un tel processus peut avoir pour effet de mettre davantage en évidence une seule facette de l’identité, pourtant multiple, de ces parents : celle de parents « en difficulté » (Colombo et Fontannaz, 2021). C’est à cet apparent paradoxe que s’intéresse cette communication : la participation des usagères et usagers aux recherches ne pourrait-elle pas avoir pour effet paradoxal de les enfermer dans une identité qu’elles et ils cherchent justement à nuancer pour dépasser la stigmatisation dont elles et ils font l’objet ?

Mots clés :

Participation, Usager, Stigmatisation

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