DISCUSSION ET RECONNAISSANCE EN SAMU SOCIAL<br />Expérience de formation en travail social.<br />9e Congrès international Association Internationale pour la Formation, le Recherche et l’Intervention sociale (AIFRIS)<br />4 au 8 juillet 2022 - Bruxelles<br />
Année : 2022
Thème : En quoi la prise en compte de la parole produit de la reconnaissance<br />Approche philosophie
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
LUCY Éric (France) – eric.lucy@hotmail.fr
Résumé :
<br />DISCUSSION ET RECONNAISSANCE EN SAMU SOCIAL<br /><br />En suivant l’arrière-plan discursif de la théorie des actes de langage (Austin, 1962), nous examinons les éléments de la pratique d’une éducatrice en formation afin de montrer comment les effets de reconnaissances sont constitutifs des productions langagières les plus courantes en SAMU social. A propos de la personne rencontrée, l’éducatrice notait que les professionnels rapportaient la gravité des symptômes liés à la perte des liens sociaux ainsi qu’une urgence vitale d’accompagnement médical. Hospitalisée à de nombreuses reprises, aucune orientation vers un parcours de soins n’aboutissait. Dans un tel contexte, l’urgence était de maintenir les processus de médiations langagières sans d’autres espaces qu’une répétition illustrée par une scène de l’entrée quotidienne dans le SAMU social : « La sonnette retentit. Je me dirige alors vers la porte, elle est lourde, en métal, avec une vitre en verre dépoli protégée par une grille. Elle est fermée à clé. J’ouvre la vitre. Gérard est là, en dessous de moi, car il faut monter trois marches. Les grilles nous séparent. Je l’accueille en souriant, « bonjour, Gérard ». Il ne me regarde pas et me gratifie en râlant d’un « ouais, ouais, dépêchez-vous là, il fait froid dehors, vous ne savez pas ce que c’est vous hein ! ». Je fais tourner la clé dans la serrure et j’ouvre la porte. Il entre la tête basse sans répondre à la main que je lui tends et traverse le local d’une démarche rapide. Il se dirige vers le mur situé entre le bureau de soin et le bureau d’accueil, à côté du passage pour les douches. Là, il s’accroupit sur les talons, dos au mur. Il s’installe selon son habitude, refusant les chaises, ne s’installant jamais ailleurs qu’à cette place où le mur garde maintenant sa trace. Parfois, il se lève et se déplace dans le local, toujours la tête basse et selon un parcours fixe, puis il retourne toujours se poser « à sa place » comme il dit ». Quand nous énonçons « pouvez-vous me faire passer le sel ? » nous ne nous bornons pas à apprécier un état du monde, nous réalisons une action par le fait même de prononcer ces phrases. C’est à partir de ce point de vue que nous avons analysé cette scène. Contrairement à ce que pensaient les philosophes logiciens, il existe dans le langage des propositions qui ne sont ni vraies ni fausses. Quand nous disons, « je déclare la cérémonie ouverte » le but n’est pas de transmettre une information, mais de faire quelque chose et le caractère performatif du langage est l’acte qui se produit en parlant. En poursuivant l’élaboration du concept classique de raison, l’éducatrice, comme Habermas avec la théorie de l’agir communicationnel (1981) supposa que la raison communicationnelle pouvait structurer son monde vécu afin de le faire exister dans le monde commun puisqu’un tel agir exige un savoir interprétatif de nos actions. Le monde vécu est implicite et lié aux expériences où le monde commun avançant comme un savoir d’arrière-plan, pré-réfléchi et stable devient constitutif du vécu. Habermas instaure de la sorte un positivisme lié, non pas uniquement à des compétences cognitives particulières et individuelles, mais à une compétence sociale générale de l’usage de la langue. Cela a constitué pour l’éducatrice le levier de son action puisqu’il est possible de penser la capacité d’action d’un sujet fondamentalement dépendante des interactions sociales produites dans l’agir communicationnel. Une énonciation étant à la fois un dire et un faire, dans la pratique, l’exigence d’une communication réussie implique une entente intersubjective. De la sorte nous proposons de montrer que l’entente selon Habermas ne demande pas de comprendre la relation éducative comme un consensualisme naïf et sans risque, mais comme une conséquence des situations d’énonciations car ce sont les présuppositions nécessaires à la communication qui construisent les exigences sociales. Elle ne désigne pas une logique particulière de l’action ou une intention stratégique, mais le support d’une interprétation rationnelle de l’action, de nos choix et de notre capacité de distinction.
Mots clés :
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