PILOTE Éric (Canada) – eric_pilote@uqac.ca
THIVIERGE josee (Canada) – joseethivierge@cegepjonquiere.ca

Depuis 1995, la Maison des Familles de La Baie au Saguenay offre des services d’accueil et de soutien aux familles. L’organisation privilégie une approche centrée sur l’échange et le don. Les parents qui bénéficient des divers services offerts sont encouragés, par la suite, à devenir eux-mêmes bénévoles. L’étude réalisée visait à documenter la logique de don au cœur de la mission de cet organisme communautaire afin de témoigner de sa spécificité. <br /><br />Au cours des dernières années, la Maison des familles a dû se conformer à de nombreuses exigences du Réseau de la santé et des services sociaux du Québec afin d’obtenir du financement. Cet organisme se trouve tiraillé entre le désir d’être fidèle à sa mission et le besoin de financement. En proximité avec les cellules familiales de La Baie, l’organisme considère être mieux placé pour identifier les besoins de celles-ci et les services correspondants. Privée de cette responsabilité, l’organisation sent que son expertise lui est retirée, se questionnant sur les fondements même de son existence.<br />Cette situation témoigne de la pression croissante exercée par l’État sur les organismes communautaires. (Gagnon et Sévigny, 2000 : 532). Le danger est de faire de ces organisations des « quasi-appareils » où les bénévoles sont assimilés plus ou moins à des professionnels. Les bénévoles se retrouvent ainsi coincés entre deux logiques : celle de l’État où l’accent est mis sur la qualité des services professionnels et celle du don où la qualité des liens entre les individus est centrale (Godbout, 1994). <br /><br />La collecte de données a privilégié une approche qualitative. Douze entretiens compréhensifs (Kaufmann et Singly, 2007) ont été réalisés auprès de bénévoles et de la directrice de la Maison des familles. Réalisés à l’hiver 2019, les entretiens portaient sur le parcours des bénévoles, leur engagement bénévole, les liens sociaux, la reconnaissance et le passage de receveur à donneur. Une analyse qualitative semi-inductive par catégorisation de sens à l’aide du logiciel N’Vivo (version 12) a été réalisée. Elle a permis de dégager les éléments significatifs soulevés par les personnes rencontrées et d’alimenter un travail de synthèse de l’information<br /><br />Les résultats témoignent de l’importance et de la spécificité des liens noués par les bénévoles avec les familles. C’est grâce au temps passé ensemble, à l’écoute et parfois à un simple sourire que l’on parvient à favoriser le bien-être des personnes, à briser leur isolement et à enrichir la vie communautaire. <br />Bien que les besoins soient immenses et qu’il y a une forte pression pour donner des services comme des professionnels de la part des établissements, la Maison des familles doit résister à cette tentative d’assimilation. On risque alors d’épuiser les bénévoles et de les faire entrer dans un rouage compétitif où les qualifications deviennent prépondérantes. Ce n’est pas ce qu’ils veulent et ce n’est pas le sens de leurs gestes et de leurs actions.<br /><br />En faisant appel aux usagers et usagères, cette recherche montre les limites de la coexistence des deux logiques au sein d’un organisme communautaire. Lorsque l’État cherche à imposer sa logique, celle de la Maison des familles se dissout. Une telle étude laisse voir l’importance de donner la parole aux bénévoles et à la directrice afin qu’ils s’approprient leur apport unique à la communauté et qu’ils puissent établir des partenariats où ils sont reconnus.<br />La préservation de ces îlots de bénévoles animés par une logique de don favorise le maintien et la création des liens sociaux si importants pour nos sociétés. Au lieu de demander à la Maison des familles de se plier à leur logique, l’État et le marché devraient encourager et soutenir celle-ci à déployer et à affirmer sa logique de don. <br />