L’autonomie sociale des personnes accompagnées : de quoi parle-t-on vraiment ?
Année : 2022
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
SAINT MARC (France) – d.saint-marc@irtsnouvelleaquitaine.fr
Résumé :
A partir des travaux que nous avons menés sur le concept d’autonomie sociale dans le champ de la santé nous nous proposons d’interroger l’accompagnement social des personnes accompagnées. L’autonomie sociale, ou l’autonomisation pour prendre un terme propre au champ social est la « traduction française de la notion d’empowerment » (Bourbonnais & Parazelli, 2018). Nous avons travaillé ce concept à partir d’un cas idéal typique de prise en charge, celui d’une des pathologies chroniques, le/les cancers. Les deux études que nous avons menées (12 semaines d’observation participante, 25 entretiens semi directifs, enquêtes quantitatives n=232 & n=120) nous ont permis une approche globale du concept comme touchant la vie physique, sociale, psychologique et même économique des individus. La littérature sociologique nous décrit l’avènement du patient acteur (Strauss, 1985), (Freidson, 1984), nombre de travaux présentent des analyses fines des capacités à agir des ces ex-agents (Parsons, 1951) du système de soins que les politiques de santé depuis la loi de 2002 placent au centre de tous les dispositifs. Mais force est de constater que les façons d’agir d’hier cohabitent encore avec les discours d’aujourd’hui, « si les étudiants en médecine expliquent placer le patient au centre d’une approche globale, leurs actes restent centrés sur une approche Parsonienne des interactions médecins/malades » (Saint-Marc, 2011). De même, il suffit de passer quelques temps dans un service hospitalier ou un cabinet médical pour constater qu’il existe un décalage entre l’autonomie théorique des malades et leur quotidien.<br />Nous avons donc cherché à interroger l’existence de l’autonomie sociale des malades face à la prise en charge globale de leur pathologie, la manière dont cette dernière pouvait évoluer au fil de la prise en charge et surtout ce qu’elle pouvait bien signifier pour les malades. <br />Nous avons démontré que le degré d’autonomie des malades varie fortement en fonction de l’urgence de leur situation, la trajectoire de la maladie et leur désir d’être autonome. Que la nature de l’autonomie, autrement dit les éléments permettant de la définir, fluctuent au cours de la prise en charge et selon l’expérience et les ressources des individus. Il existe donc un delta important entre ce que la littérature dit être de l’autonomie et ce que les malades définissent comme de l’autonomie. La figure du malade acteur (autonome chez Strauss et Freidson) diverge de la figure du malade autonome (défini par les malades eux-mêmes). La raison est à chercher comme nous l’avons montré, dans la capacité de la profession médicale à produire les catégories à travers lesquelles les malades se pensent eux-mêmes et la manière dont ils incorporent ces catégories sous l’influence du pouvoir médical.<br />Nous menons actuellement l’évaluation d’un dispositif d’accompagnement des personnes en situation de grande marginalité construit autour de la notion de trajectoire telle que nous l’avons abordée dans nos travaux. Cette évaluation va être menée sur trois ans en incorporant trois temps de mesures (T0,T1,T2). Ce projet en cours, nous propose déjà un matériau à T0 pertinent sur l’expérience du dispositif par les personnes concernées. Comme dans le cas des patients atteints de cancer, la question de l’existence de marges de manœuvre réelles des personnes concernées au sein d’un dispositif mettant au centre du dispositif ces mêmes personnes semble se poser. Ces marges existent-elles réellement ou s’agit-il de vœux pieux qui ne trouvent pas d’application au quotidien ? Si cette autonomie est possible, quelles formes prend-elle ? Est-ce que ces formes sont contraintes par la/les professions du social ? L’autonomie des personnes concernées est-elle comme celle des malades atteints de cancer, modelée par la profession censée assurer cette autonomie ? Voici quelques-unes des questions auxquelles nous tenterons de répondre avec les premiers éléments empiriques collectés.<br />
Mots clés :
Autonomie, Santé, Intervention sociale et travail social, pouvoir
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