Des savoirs expérientiels dans une intervention collective aux marges de l’État : Le cas de l’assistance aux exilés déboutés du droit d’asile.

Année : 2022

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

BALLIERE Frederic (France) – frederic_balliere@hotmail.com

Résumé :

Cette proposition de communication repose sur les résultats d’une recherche doctorale portant sur les recompositions des logiques d’intervention en direction d’une population exilée, déboutée du droit d’asile. Elle s’intéresse plus spécifiquement à l’émergence d’une configuration d’assistance singulière à l’intersection des mondes militant, professionnel et communautaire.<br />Le propos s’appuie sur une enquête ethnographique multi-située, réalisée durant deux ans et demi dans les mondes professionnel, communautaire et militant de l’aide aux exilés. Les matériaux recueillis se composent d’observations de pratiques militantes et professionnelles, de comptes rendus d’évènements militants, de récits d’expérience d’exil (20) portant plus spécifiquement sur le rapport à l’action publique des déboutés, mais également des récits d’engagement de travailleurs sociaux (15) ou de militants (18). Les résultats documentent l’existence d’une forme de protection sociale locale qui émerge dans l’ombre des institutions pour prévenir la désaffiliation d’une population qui ni n’est reconduite ni admise au séjour et qui se heurte des années durant à une situation de précarité sociale et juridique et sanitaire.<br />L'analyse se centrera ici sur les propriétés de cet espace d’intervention qui émerge là ou l’État social se retire pour éviter aux personnes déboutées d’être précipitées dans le vide institutionnel. Cet Entre-mondes de l'assistance résulte de l’engagement d’intervenants, militants ou professionnels, qui s’implique au-delà des pratiques instituées de leurs organisations. Il tient aussi à l’engagement d’acteurs communautaires qui mobilisent leur propre expérience de l’illégalité et de l’action publique pour venir en aide à leurs compatriotes. C’est en effet en mobilisant ces savoirs expérientiels qu’ils parviennent à dépasser les épreuves auxquelles les soumettent ces situations sans perspectives d’accès aux droits. La connaissance intime des logiques de rejet dont ils sont l'objet mais aussi celle des pratiques leur permettant d’activer favorablement le pouvoir discrétionnaire de leur interlocuteurs constituent des ressources qu’ils sont les seuls à détenir. De cette manière, ils parviennent à maintenir un certain niveau d’accès aux ressources publiques là où l’action institutionnelle échoue. Ces formes d’intervention profanes n’agissent pas pour autant de façon déconnectée des pratiques des travailleurs sociaux ou de celles des militants de la cause des étrangers. <br />Elles s’inscrivent au contraire dans un « Entre-mondes » de l’aide aux déboutés qui présente la faculté de faire tenir ensemble des répertoires d’action qui agissent d’ordinaire en ordre dispersé. Déployé dans l’ombre des institutions, l’Entre-mondes tisse en effet un ultime filet de rattrapage qui permet aux personnes déboutées de dépasser les difficultés induites par l’illégalité de leur séjour et de réunir les propriétés d’une éventuelle régularisation. Combinant ressources institutionnelles, action discrétionnaire et pratiques expérientielles, il donne naissance à une action collective relativement autonome vis-a-vis des organisations et des institutions. Prolongeant l’action de l’État au-delà de ses limites, l'Entremondes permet alors l'emergence d'une intervention collective hybride et mouvante qui intègre l'expérience du problème social, ici l'illégalité du séjour, dans la mise en oeuvre de l'assistance. <br />

Mots clés :

Etat social, Intervention sociale et travail social, Débouté du droit d'asile

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