JOCHEMS Sylvie (Canada) – jochems.sylvie@uqam.ca

Cette recherche a pour but de contribuer à l’étude de l’évolution du travail social (TS) à l’ère numérique au prisme des pratiques d’intervention collective au Québec (Comeau et al, 2018; Mercier et Bourque, 2021). Particulièrement, les pratiques québécoises en intervention collective ne font pas l’objet d’analyses statistiques des organismes habituels (Statistiques Canada, Statistiques Québec, CSMO-ÉSAC) ni l’objet des enquêtes publiées sur l’intervention collective en travail social (Comeau et al, 2018). Nous avons alors élargi notre recension d’écrits scientifiques en travail social (fr et an, 1985-2020 : n=475 publications scientifiques) et celle-ci a permis de constater que les pratiques d’intervention collective qui font usages des objets numériques en milieux communautaires et institutionnels sont significativement peu documentées : seulement 29 textes scientifiques tous pays confondus en 35 ans. <br /><br />Néanmoins, nous pouvons alors toutefois constater l'existence entre autres de défis d’accès, d’accessibilité, d’utilisation des technologies numériques en contexte institutionnel ou en milieux communautaires que ce soit par exemples en termes de compétences à utiliser ces technologies, de sécurité informatique, de confidentialité des informations, d’hyperconnectivité des intervenant.e.s, d’enjeux syndicaux : dans leurs communications avec leurs collègues et membres de leurs organisations d’appartenance (communications mobiles, partage d’agenda ou de fichiers de plateformes collaboratives nuagiques, ... ); dans leur travail de mobilisation (Spier, 2017; Bennet et Segerberg, 2012; Monnoyer-Smith, 2011; Dahlgren, 2009; Lovejoy et al, 2012; Blondeau, 2007; Stoecker, 2002); de pratique de défense des droits (Brady, 2015); de partenariat en action communautaire et de réseautage (Michaud et al, 2015; Galinsky, 1997) avec les acteurs de leur territoire (utilisation du Web et des médias sociaux). Aussi, sans surprise, les intervenant.e.s en action collective ont plusieurs préoccupations éthiques à l’ère numérique (Jochems et al, 2015-2019). Des controverses sont soulevées alors que le recours aux technologies numériques par les intervenant.e.s en action collective suscite du rejet, de la résistance (Goldkind, Wolf et Jones, 2016; Jochems, 2009) ou du moins semble « alourdir » l’exercice de leurs pratiques.<br /><br />Par conséquent, afin de contribuer à documenter ces pratiques, a été retenue l’étude des grammaires (savoirs, normes et règles, controverses) des pratiques d’intervention collective du travail social dans cette société-en-train-de-se-faire (Latour, 2007) et particulièrement en prenant en compte les usages des objets numériques (Jauréguiberry et Proulx, 2011; Jouët, 2000; Akrich, 2006; Nélisse, 1998). <br /><br />Cette communication présente donc les résultats préliminaires issus d’une recherche-action dont les partenaires sont deux regroupements nationaux (RQIIAC, TNCDC) et un regroupement Montréalais (CMTQ) en intervention collective. La démarche se fonde sur une perspective pragmatiste (Cefaï, 2006) de l’enquête de terrain (Zask, 2004; Dewey, 1993). Les résultats reposent sur 30 entretiens individuels, 3 questionnaires et des observations ethnographiques en ligne qui ont été réalisés dans le contexte extraordinaire du début de pandémie à la Covid-19 (mars à octobre 2020). Ils font en outre ressortir que les usages des objets numériques ont contribué à faire reconnaître la pertinence de la fonction d’organisateur.trice.s communautaires des institutions publiques (dont la Santé publique) et des intervenant.e.s communautaires pour non seulement maintenir le lien social avec les populations (« les usagers ») les plus vulnérables (santé mentale, itinérance, …) en temps de crise socio-sanitaire mais peut-être surtout faire remonter leur parole dans les instances gouvernementales et l’espace public.<br />

Action collective, technologies numériques