Agricultrices et agriculteurs vieillissants : un public invisible du travail social ?
Année : 2022
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
BRUTTIN lorry (Suisse) – lorry.bruttin@hevs.ch
Résumé :
Cette contribution s’appuie sur une enquête réalisée en 2020 sur la question des difficultés liées à la retraite dans l’agriculture de montagne dans le canton du Valais, en Suisse. Elle a été réalisée dans le cadre d’un travail de master en travail social.<br /><br />Les éléments qui seront présentés ici porteront premièrement sur une explication des différentes dimensions qui entourent la question de la « non-retraite » dans l’agriculture de montagne. Deuxièmement quelques résultats de l’enquête seront présentés. La troisième et dernière partie proposera un questionnement sur le caractère relativement invisible des agricultrices et agriculteurs dans le travail social (Bouquet, 2018) et sur les raisons de cette invisibilité.<br /><br />Le contexte particulier de l’agriculture valaisanne de montagne avec ses exploitations de petite taille, les enjeux forts autour de l’identité « paysanne » ainsi que les spécificités liées aux paiements directs (subventions liées à la politique agricole fédérale) et spécialement à leur arrêt à l’âge de 65 ans, pose des défis majeurs en termes économiques, personnels et sociaux pour la vie des agricultrices et agriculteurs indépendants.<br />Pour explorer cette thématique, douze agricultrices et agriculteurs indépendants de montagne dans le canton du Valais ont été interviewé·e·s selon la perspective du parcours de vie (Sapin et al. 2014) sur leurs conditions d’existences, les pratiques et l’organisation familiale.<br />La perspective s’inscrivant dans un contexte spatio-temporel spécifique, a pu démontrer que les inégalités sociales qui les touchent durant leur vie entière, mais qui explosent une fois l’âge de la retraite les exposent à un fort risque de précarisation (Gabriel et al. 2015) du fait des conditions structurelles liées aux paiements directs.<br /><br />En dépit de cela, les exploitant-es ont peu recours au système d’assurance et de protection sociales. Leur identité liée à l’agriculture conduit à une grande adaptabilité, mais aussi à un non-recours aux prestations sociales. Les caractères d’éligibilité à un droit aux prestations sociales sont complexes et les conditions requises correspondent rarement à leur réalité. Les transferts sociaux auxquels les exploitant·e·s ont déjà recours (paiements directs) ainsi que leur capital matériel (bâtiments, machines etc.) rendent difficile l’accès à ce droit (Contzen et Crettaz 2019).<br />Le système de prévoyance tel qu’il est conçu ne donne pas accès à un revenu suffisant pour envisager de quitter l’exploitation. Reconfigurer sa vie autrement est impensable, cette profession n’est pas qu’un métier, elle symbolise tout leur quotidien. De plus, le travail dans l’agriculture est fortement touché par le vieillissement démographique : les professionnel-le-s avancent en âge et la relève est absente (Droz 2017). Ces éléments ci-dessus rendent problématique un départ à la retraite « traditionnelle » pour les exploitant·e·s. Malgré une sortie « officielle » du monde du travail à l’arrêt des paiements directs, ils et elles continuent de travailler.<br /><br />Ces dernières années, des cris d’alertes sont lancés face aux grands nombres de suicides dans l’agriculture. En France, le film d’Édouard Bergeon, au nom de la terre (2019) dénonce les dilemmes de l’agriculture (contraintes du métier, décalage face aux attentes de la société, manque de soutien, etc.). L’agriculture est traversée par des enjeux de précarité et de souffrances physiques et psychiques. Malgré une situation à fort risque de précarisation les agricultrices et agriculteurs sont peu connus et peu demandeurs du travail social.<br /><br />Au vu de ces constats, la communication s’interrogera sur les mécanismes qui tendent à invisibiliser un public « potentiel » du travail social. Comment une partie de la population est-elle exclue du travail social, pourtant considéré comme un vecteur de citoyenneté à même de réduire les inégalités ? Comment le travail social peut-il alors se mobiliser pour les minoritaires sociaux (Palomares et Rabaud, 2006) que sont les agriculteurs et agricultrices ?
Mots clés :
Zone rural, Politique publique, Vieillissement et retraite
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