La responsabilité du travailleur social face à la participation de l'usager : entre l'éthique de la posture d'accompagnement, les besoins du public et la normativité du cadre de l'activité.
Année : 2022
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
LA PAGLIA vincent (Belgique) – mdplapvi@henallux.be
HARMEGNIES philippe (Belgique) – philippe.harmegnies@henallux.be
Résumé :
Cette communication entreprend de proposer une réflexion sur la posture éthique du travailleur social quant à sa responsabilité envers la participation de l’usager au regard d’une étude qualitative portant sur les déterminants qui freinent et facilitent la participation du public parmi des services de première ligne de soins et de santé en Belgique francophone. <br />En effet, la participation des usagers dans le travail social ne renvoie pas seulement à des dispositifs ou à des outils mais davantage au positionnement éthique du travailleur social, lorsque celui-ci recherche la meilleure ou la moins mauvaise façon d’inclure les usagers dans un contexte d’incertitude, jamais totalement déterminé par les impératifs (injonctions) juridiques et moraux.<br />Dès lors, nous sommes en droits de nous demander si les enjeux éthiques inhérents à la participation des destinataires dans les pratiques d’intervention des travailleurs sociaux sont mobilisés, et en quoi la participation des usagers dans les pratiques est garante des droits et des libertés fondamentales compte tenu des freins et facilitateurs constitutifs de son processus ainsi que des retombées personnelles qu’elle implique. <br />De fait, l’éthique de l’agir du travailleur social est triple : la délibération (l’agir du travailleur social est une pratique réflexive structurée par deux pôles, celui universel des valeurs et celui contingent des circonstances), la conviction et la responsabilité.<br />L’éthique de la responsabilité pose la question du choix du côté du sujet au cœur de l’action (Bouquet., 2012). En conséquence, la responsabilité du travailleur social n’est pas seulement relative au caractère plus ou moins juste de son action mais au sens que prend celle-ci du point de vue d’un positionnement éthique (Vallaeys., 2011).<br />Les pratiques du travail social, balisées par les positionnements éthiques à trois niveaux (personnel, professionnel et institutionnel) ont tout avantage à s’inspirer de cette éthique de la responsabilité pour élaborer, confronter et faire partager le contenu de son action pour qu’elle soit au service d’une participation plus authentique avec les usagers, garante des droits et des libertés fondamentales (Brizais., 2000).<br />Cependant, faire participer l’usager implique aussi, inévitablement, de questionner le mécanisme propre à une activité participative en matière de normativité, donc d’obligations et d’attentes fixées par le cadre d’un service social, lui-même structuré par des normes institutionnalisées. Egalement, faire participer l’usager nécessite aussi d’interroger le coût social lié à l’engagement de l’usager, le bénéfice qu’il peut en retirer, ainsi que le degré de pouvoir (Godbout, 1983) partagé par le professionnel envers lui, qui, par extension, incarne une institution. Toutefois, il ne suffit pas en soi de paramétrer normativement l’activité participative pour qu’elle fonctionne, elle exige par la même occasion que les participants occupent respectivement un rôle, qu’ils se l’approprient et qu’ils le jouent au gré de leurs interactions, ce qui demeure un apprentissage extrêmement complexe et périlleux. En effet, s’impliquer dans un processus participatif sans balises référentielles identifiées comme garantes d’un intérêt commun co-construit, outre de mettre à mal le fonctionnement de l’activité en soi, peut aussi provoquer des retombées personnelles auprès du participant avec des effets qui persistent en dehors du cadre strict de l’activité, notamment avec un public comportant des facteurs précarisants pluriels. De ce fait, toute activité participative, y compris celle impliquant à minima deux personnes (le professionnel et l’usager), se constitue comme un cadre développant des règles guidant l’action des individus qui y interagissent en son sein à travers l’établissement d’obligations et d’attentes (Goffman E., 1974). Mais ces règles peuvent ne pas produire leurs effets escomptés sur le public, voire être réappropriées de manière détournée par rapport au but de l’activité et de son modus operandi. Ce manque, ou ces moments de discontinuité de synchronisation entre les attentes du cadre de l’activité, encadré par le professionnel, et celles de l’usager, peut s’expliquer notamment en raison de difficultés en matière d’assimilation des codes constitutifs de ce cadre. En effet, chaque activité participative, possède une double obligation nécessaire à son succès : le format qui oblige à rassembler plusieurs individus singuliers étant amenés à communiquer entre eux, et la réalisation de la finalité concrète de l’activité, qui est la raison pratique de ce pourquoi la participation existe (Charles 2012). Ces conditions nécessaires développent inévitablement des seuils normatifs en matière de comportement, discours et d’incapacité (Berger & Charles 2014). Ces seuils ne se constituent pas « par hasard », leur existence témoigne d’une fonction spécifique : assurer le maintien de l’ordre social de l’activité participative, donc permettre que chaque participant contribue personnellement à l’activité tout en concrétisant la poursuite de sa finalité. Dès lors, le travailleur social interagissant dans le cadre d’une activité, en plus d’incarner concrètement ses principes normatifs, endosse aussi la responsabilité d’assurer la transmission des codes constitutifs des obligations et attentes du cadre, de valoriser les conduites qui s’inscrivent dans ce sens, mais aussi de corriger les conduites perturbatrices.
Mots clés :
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