Mères innues et protection de la jeunesse au Québec : accroître la sécurisation culturelle<br /><br /><br />
Année : 2022
Thème : Nin, nishutshisshiun, nitinniun mak nitauassimat (Moi, ma force, ma vie et mes enfants)
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
Croteau Karine (Canada) – kcroteau@uottawa.ca
Résumé :
Comparativement à leurs homologues allochtones au Canada, les mères autochtones sont plus souvent signalées aux services de protection de la jeunesse (PJ) et tenues responsables de négligence à l’égard de leurs enfants. Le colonialisme (Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics [CERP], 2019 ; Commission de vérité et réconciliation du Canada [CVRC], 2015), les difficultés socioéconomiques (Croteau, 2019), la violence institutionnalisée (Atikamekw Nehirowisiw, 2020 ; Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées [ENFFADA], 2019), et les incompréhensions persistantes à l’égard de leur manière d’exercer la parentalité (Croteau, 2019) expliquent une part de ces constats.
Cette communication propose deux objectifs. Elle vise à circonscrire la manière dont les mères innues (dont l’enfant a fait l’objet d’une mesure de protection au Québec) conçoivent et exercent leur parentalité. L’examen de leurs trajectoires, valeurs et repères culturellement ancrés permet ensuite de situer l’angle de prise en compte de ces singularités dans l’intervention en PJ afin d’accroître la sécurisation culturelle des services.
La communication découle d’une étude réalisée à la demande de la directrice des services sociaux de la communauté innue partenaire du projet. Elle s’appuie sur des données empiriques recueillies auprès de neuf mères innues en contexte de PJ (Croteau, 2019). Deux séjours en territoire innu (Nitassinan) ont été complétés. Le premier a permis la réalisation d’entretiens de type récits biographiques aux domiciles des principales concernées et au Centre de santé et services sociaux de la communauté partenaire de l’étude. En respect des principes éthiques en contexte de recherche autochtone (APNQL, 2014), le second séjour a ciblé la restitution des récits biographiques aux participantes, leur validation et remise en main propre afin qu’elles puissent en disposer à leur gré. La communication expose des extraits de récits narratifs issus des quatorze entretiens biographiques et situe la parole des actrices à l’avant-scène du propos.
Au plan méthodologique, précisons que la posture non autochtone de la chercheure l’a conscientisé à l’importance de dépasser les aprioris « ontologiques (l’être), épistémologiques (le savoir), méthodologiques (la méthode), et axiologiques (la valeur du savoir) - auxquelles nous ajoutons des perspectives pratiques - qui reconnaissent et respectent les Autochtones » (Croteau, Molgat et coll. 2022, p. 10). La perspective co-constructiviste (Berger et Luckmann, 2018) et le cadre théorique de l’action historique de Martin (2009) sont également mobilisés à l’étude et seront articulés dans la communication.
Au terme de la présentation, le principal constat d'étude est exposé. Il rend compte du souhait des répondantes que leurs trajectoires d’adversité, leurs réalités parentales et leurs manières singulières de concevoir leurs rôles et responsabilités de mères soient davantage pris en considération par les services de PJ. Les conclusions de l’étude suggèrent que le respect et la prise en compte de leur parentalité permettraient d’accroître la sécurisation culturelle au sein des services sociaux en PJ. De même, cette piste favoriserait la diminution de prise en charge des enfants par le système socio judiciaire et la réduction des placements en milieux substituts non autochtones hors communauté. Ce qui, somme toute, s’inscrirait dans les pistes d’actions prometteuses vers l’autodétermination et la gouvernance innue en PJ.
Mots clés :
Intervention sociale et travail social, Mères innues, protection de la jeunesse, sécurisation culturelle
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