Sur le chemin de la co-construction d’une séquence pédagogique autour de la relation d’aide<br />: au croisement des savoirs expérientiels et savoirs professionnels.
Année : 2022
Thème : Une rencontre jalonnée d’allers-retours, de détours et de compte à rebours…
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
CENIS (France) – e.cenis@praxis.alsace
Résumé :
La participation de personnes concernées au sein de la formation des futurs assistants de service social a toujours été une donnée à laquelle, de ma place de responsable de formation, je suis attachée. Cette implication des personnes concernées peut prendre différentes formes, dont la plus représentée est celle du témoignage d’un parcours de vie qui, avec l’effet du temps passé, est partagé avec les étudiants. Parfois, pour ne pas dire souvent, les personnes insistent sur l’impact que la rencontre avec tel ou tel travailleur social a eu sur l’amélioration de leur situation. Très peu mettent en avant les ressources, voire les compétences qu’elles ont construites et mobilisées or je partage l'idée que le travailleur social doit adopter la « posture du passeur, c'est à dire sur le fait de marcher côte à côte le but étant que la personne franchisse elle-même l'obstacle qui l'empêche d'avancer » (Portal, Jouffray, 2019, p.106). Les personnes ne sont alors plus réduites au problème qui les amènent à être accompagnées, mais leur situation est appréciée de manière globale en tenant compte, avant tout, des potentialités de la personne. Finalement c’est la considérer comme un être doté de diverses habilités et capacités.
Autrement dit, c'est en recherchant l’implication, la mobilisation et la valorisation des ressources des individus que l'accompagnement social prend tout son sens en écho à la définition du travail social du 21 mars 2017 par le HCTS qui affirme que le travail social « participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement » (CASF).
J’ai souhaité proposer aux étudiants une intervention à 2 voix (personne concernée et ASS) autour de la relation d’aide qui se construit entre ces deux protagonistes de la relation. Mon intention dans le cadre de cette modalité pédagogique était de co-construire l'intervention avec pour objectif de rendre visible de part et d’autre (entre l’ASS et la personne concernée d’un côté, et entre le binôme ASS-personne concernée et les étudiants, de l’autre) le rôle, les limites de chacun et également repérer entre autre, des éléments constitutifs de la posture professionnelle. Je me suis employée à être garante de cette horizontalité tout au long de cette collaboration.
D'un point de vue méthodologique, nous nous sommes rencontrés (Mr H., l’ASS et moi-même) à 5 reprises, pendant 2 heures. J’ai reprécisé le cadre dans lequel je concevais cette future intervention et je me suis assurée auprès de monsieur H. qu'il était toujours intéressé, et lui ai indiqué qu'il était important qu'il se sente libre de, peut-être, garder certaines choses pour lui, même si à travers mes questions, il allait dans un premier temps me raconter son histoire (et moi mon parcours), afin que nous fassions connaissance et que nous sachions d’où nous parlions, et d’où nous partions. Nous prenions un temps au début de chaque séance pour nous assurer que mes notes étaient bien fidèles à ce qui avait été dit la fois précédente. A 2 reprises, Mr H. avait annoté le document que je lui avais remis ; il l’utilisait comme un pense-bête par rapport à certains points qu'il souhaitait aborder avec nous. Son implication dans ce projet n’était donc pas cantonnée à nos rendez-vous Mr H. prenait également le temps d’ajouter ce qui était important pour lui. Au fil du temps, l'objectif a été d'essayer d'amener Mr H. à identifier la part qui lui revient dans l'amélioration de sa situation. En effet il avait tendance à s’effacer pour ne mettre sur le devant de la scène que l'intervention de l’ASS ; ce petit bout de chemin ensemble lui aura permis, je l’espère, de réaliser la valeur de son savoir, que je qualifierai d’expérientiel.
J'ai mesuré, au fur et à mesure, combien la reformulation et le choix des mots utilisés étaient primordiaux. Le travail mené s’inscrit pleinement dans la « démarche d’action conscientisante » décrite par Yann Le Bossé comme élément constitutif de l’approche centrée sur le DPA-PC (Le Bossé, 2016, p.55). En effet, l’un des enjeux était de parvenir à une formalisation des savoirs expérientiels qui engendrerait un développement du pouvoir d’agir de Mr H. et donc lui permettrait une plus grande émancipation.
La pratique professionnelle des travailleurs sociaux, à travers l’utilisation de cette approche, s’en trouve modifiée car le périmètre d’action laissé à la personne est plus étendu, et par conséquence, le professionnel agit en second plan en soutenant les démarches des personnes concernées.
Au-delà d’un temps d’évaluation formative de l’intervention, quels en seront les effets pour Mr H ? Quels impacts/traces auprès des étudiants ? Les différentes postures (sauveur, militant…) que peuvent occuper les étudiants lors des formations pratiques seront-elles revisitées à l’aune de ce qu’ils auront intégré lors de cette séquence ? Dans quelle mesure entrainera-t-elle une transformation du regard qu’ils posent sur les personnes ? Leur future pratique professionnelle reposera-t-elle sur cette vision ?
Mots clés :
Savoirs expérientiel, pouvoir d'agir
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