GILLET François (Belgique) – fgillet@heb.be

Les intervenants sociaux sont confrontés à de nouveaux défis (e.i. multiculturalisme ; société numérique) qui reflètent bien les turbulences que traversent nos sociétés occidentales.
Ces récentes mutations appellent une redéfinition des métiers du Care (Brugère, 2021) face à la complexité croissante des problèmes sociaux où, plus que jamais des professionnels d’horizons divers (social, éducatif, médical, juridique, management et paramédical) sont amenés à collaborer de concert pour accompagner au mieux leurs bénéficiaires, en substituant la logique de l’objet de soins à celle du sujet de soins (Formarier, 2007). Ainsi, comme le souligne Lyet (2010), « ces évolutions supposent de la part des professionnels le développement d’une capacité à travailler avec des intervenants et des institutions issus d’autres secteurs d’action publique, dans une dynamique de co-construction techniciens-politiques et de copilotage des dispositifs, et elles conduisent à ce que les innovations se développent aujourd’hui dans les interstices de l’action sociale […] ».
Si l’état de l’art sur la question renseigne aujourd’hui combien la qualité de la relation au bénéficiaire est une donnée centrale et vitale (Zech, 2021) pour obtenir des résultats positifs, il n’en demeure pas moins que l’objectif de co-construction du projet de soins et d’accompagnement rencontre un obstacle potentiel important, celui d’une coopération efficace entre les professionnels utilisant des référentiels, des protocoles et des jargons parfois fort différents.
Voilà pourquoi, depuis quelques années, le concept d’interprofessionnalité, encore nommé collaboration interprofessionnelle, émerge dans la recherche et la formation et prend, désormais, une place concrète dans l’agir au quotidien (Careau et al., 2018). Les recherches menées à ce sujet ambitionnent de contribuer à une ré-humanisation du bénéficiaire ; une meilleure pratique collaborative entre les aidants et un projet de co-construction du trajet de soins et d’accompagnement.
La communication soumise envisagera l’une de ces recherches. Fruit d’un projet Erasmus+ INTERPRO, elle présentera la méthodologie et les résultats récoltés à ce jour. Ce projet s’est construit autour d’un partenariat international (Belgique, Bulgarie, Canada, France et Portugal) et nous discuterons les techniques et outils d’usage qui ont émergé durant ladite rechercher afin de pouvoir définir les logiques d’action à venir et de déterminer leur efficience et leur apport dans le travail quotidien auprès des bénéficiaires.
Concrètement, la réflexion en cours dans ce projet approfondit le travail sur six compétences interprofessionnelles clés :
1. travail collaboratif
2.clarification des rôles 3. communication interpersonnelle 4. résolution des conflits 5. leadership collaboratif 6. soins et services centrés sur la personne et sur la communauté
Cette dernière compétence apparait comme une compétence transversale, susceptible de « tonifier » les cinq autres. Durant la recherche menée, diverses expérimentations ont été réalisées in vivo pour tester la capacité des professionnels à implémenter ces compétences. Il apparait, à la lumière des résultats et au regard de la sixième compétence en jeu, que la co-construction achoppe sur des problèmes d’asymétries de postures. Ce défi (Dhume, 2010) est le reflet d’une forme de paternalisme relationnel où le bénéficiaire s’adosse trop souvent au sujet-supposé-savoir (Freymann, 2020) du fait de biais cognitifs de soumission à l’autorité (Bronner, 2021 ; Yzerbyt & Klein, 2019). Une seconde difficulté relevée se joue dans le chef des professionnels : laisser plus de place à la concertation avec leurs bénéficiaires dans le choix et l’organisation des stratégies d’intervention est, en première lecture, un risque de perte de leur pouvoir et une possible dissolution de leurs compétences. Ces craintes peuvent alors freiner la volonté de co-construction.
Pour illustrer ces difficultés et les solutions proposées pour pallier celles-ci, notre communication proposera des exemples d’outils, tirés du programme INTERPRO permettant, tant du côté des professionnels que des personnes directement concernées, d’aboutir à une réelle co-construction dans le souci d’une intervention à la fois cohérente et dans la pleine humanité et le respect des uns et des autres.

Interprofessionnalité, soins et services centrés sur la personne, co-construction, Care, (dés)humanisation