Les dégâts invisibilisés du racisme sur la santé<br />

Année : 2022

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

BATHOUM rachid (Belgique) – rbathoum@hotmail.com

Résumé :

« Il y a quand même des conséquences à tout ça (au racisme). La perte de l’estime de soi, perte de confiance. Tu n’as plus de repèresTu te retrouves après face à cette réalité brutale qui est : ‘’vous êtes juste là pour la décoration’’, ce côté folklorique. J’ai perdu cette volonté d’aller de l’avant, cette force. Je sens que j’ai beaucoup moins d’énergie. Je ne suis pas tout vieux. J’ai 47 ans. Je dois avoir des perspectives et pas que des questions psychologiques. Moi, je suis vraiment défaitiste. Oui, ce manque de confiance, cette dévalorisation personnelle. Tu n’as plus la même énergie, la même conviction. Tu as des énergies négatives qui te mettent des poids dans les pieds… » Morad, origne marocaine.

Le racisme et la santé physique et mentale
Les immigrés et leurs descendants (notamment Maghrébins, Subsahariens, Turcs) sont fréquemment victimes de pratiques racistes (Bathoum, 2018). Nous entendons être victime de racisme par le fait d’être traité de manière inégale via des actes, des paroles, des écrits, une attitude hostile ou de mépris en raison de sa nationalité, sa couleur de peau, son accent, l’ascendance ou son origine nationale ou ethnique et que ces actes aient pour conséquence un ou plusieurs dégâts temporaires ou permanents sur la « santé physique ou psychique » des personnes (Cognet, 2012, 23). Le racisme ne se limite pas aux actes visibles, violents et intentionnels réprimés par la loi, il est aussi subtil et non explicite et prend la forme de micro-agressions. Ces dernières sont à distinguer avec des « grossièretés quotidiennes » (Sue, 2009, 88). Elles sont continuelles et constantes, elles représentent une charge de stress accompagnée d’un cumul des agressions. Ce « racisme ordinaire », « racisme au quotidien » (Essed, 1991) où « racisme respectable » (Antonius, 2002), est vécu au jour en jour par les personnes racisées.
Des études effectuées aux USA font le constat que les conséquences du racisme sont un moindre accès à l’emploi ou à l’éducation, des processus émotionnels défavorables et psychopathologiques ainsi qu’une propension moins importante d’avoir des comportements de vie sains avec des phases de sommeil adaptées ou la pratique d’exercice physique comparativement à des individus non-victimes de racisme (Carter et al, 2013). Le racisme provoque chez les victimes un vieillissement précoce d’après une étude co-signée par la lauréate du prix Nobel de médecine et physiologie Elizabeth Blackburn (2014). Nous recueillons depuis 2017 des témoignages, afin de comprendre les dégâts de la mécanique raciste (Tevanian 2018) sur la santé. Écouter les victimes, analyser leurs histoires, leurs parcours et déterminer le cheminement de leurs souffrances pourraient nous permettre de comprendre et d’analyser ces impacts, tant au niveau psychique que physique. Il s’agit de produire une compréhension du phénomène eu égard aux vécus des discriminé.e.s en tentant d’y capter les dimensions structurelles.

Les paroles des discriminé.e.s : « une expérience totale » (Masclet, 2017, p 18)
Il est important de voir comment sont construits et produits, de manière contextuelle et processuelle, les dégâts des discriminations raciales subis par des subalternes. La subalternité est un «locus épistémologique» (Afonso, 2007, 2) désignant la position subordonnée de certains groupes sociaux. Notre article est inspiré des moyens d’analyse des études subalternes qui mettent en avant des outils épistémologique et méthodologique différents pour « rompre avec les téléologies qui transforment, les subalternes, en agent passif d’une mécanique historique universelle » (Pouchepadass J., 2000, 163). N’étant pas reconnu par des lois, cette parole révélatrice de la souffrance des discriminé.e.s est associée à la victimisation. Elle demeure de ce fait inexistante, invisible, illégitime. Il est essentiel, pour nous, de dévoiler à travers les paroles des discriminé.e.s, la négation de l'expressions de cette souffrance dans les espaces publics et la ‘’violence épistémique’’ (Spivak, 2009, 37) développée dans certains discours (de chercheurs en sciences sociales, décideurs politiques…) qui l'accompagne.

Mots clés :

Recherche-action, Egalité de chance, Justice sociale, Racisme et santé

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